Poète, moraliste, artiste conceptuel aux accents néoclassiques et « AVANT-GARDEner » autoproclamé, Ian Hamilton Finlay (1925-2006) est parvenu à exprimer la diversité de ses talents en un lieu singulier, à la fois parc de sculptures et jardin philosophique. Objet d’un long conflit avec le National Trust*1 et l’administration fiscale écossaise, le jardin de Stonypath est rebaptisé Little Sparta, en écho à la déchirante guerre du Péloponnèse (Ve siècle avant notre ère), par son créateur vigoureusement opposé au pouvoir d’Édimbourg, cette « Athènes du nord ». Nourri autant de la pensée présocratique que révolutionnaire – Louis Antoine de Saint-Just compte parmi ses références favorites –, Ian Hamilton Finlay multiplie les démarches administratives, pamphlets satyriques et recueils de poésie qui n’hésitent pas à emprunter au registre martial : « Certains jardins sont décrits comme des refuges, alors qu’ils sont en réalité des assauts *2. »
UNE INITIATIVE MULTIFORME
Après plus de vingt ans, la phrase-manifeste de Ian Hamilton Finlay est reproduite par David Horvitz dans un ensemble de sérigraphies agrémentées du contour de quelques-unes de la centaine de plantes issues de son propre jardin. Conçue en étroite collaboration avec l’agence d’architecture californienne TERREMOTO, l’initiative multiforme alliant paysagisme, horticulture et création contemporaine constitue, selon l’artiste de Los Angeles, « une alternative au désastre écologique qu’est le béton, susceptible d’offrir un habitat à une forme de résistance […] et la possibilité d’imaginer un autre futur ». Une fois nettoyé et aménagé de matériaux recyclés – dont des débris issus du chantier du LACMA (Los Angeles County Museum of Art) –, le terrain vague situé en face de l’atelier de David Horvitz devient officiellement le 7th Avenue Garden. Celui-ci est constamment redessiné au fil des envies partagées : tant que la parcelle ne sera pas vendue par son propriétaire, complice du projet, la communauté réunie par David Horvitz sera libre de poursuivre ses activités ouvertes à tous. À l’instar du happening organisé avec le Swiss Institute Contemporary Art, à New York, en février 2023, pour lequel une vingtaine d’artistes dont Félicia Atkinson, Julien Bismuth, Ryan Gander, Suzanne Husky, Joan Jonas, Jumana Manna, Yoko Ono ou encore Saâdane Afif furent rassemblés autour d’œuvres textuelles invitant les convives à incarner diverses actions et situations.
Le Garden de Los Angeles se prolonge dans des créations autonomes de David Horvitz dévoilées au sein de plusieurs expositions à venir, dont « All Avenues Lined With Trees » accueillie à partir du 7 septembre 2024 dans les deux espaces de la galerie Jean-Kenta Gauthier, à Paris – ouvrant ainsi une saison entière consacrée au jardin : Daniel Blaufuks puis Hanako Murakami s’y succéderont jusqu’en décembre. Presque simultanément, à Berlin, David Horvitz poursuit sa réflexion sensible, en duo avec Ali Eyal. Cette nouvelle collaboration emprunte son titre à la poésie de Maria Sledmere (elle aussi écossaise) : A New Garden From Old Wounds.
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*1 National Trust for Places of Historic Interest or Natural Beauty.
*2 Ian Hamilton Finlay : « Certain gardens are described as retreats when they are really attacks », dans Little Sparta. Detached Sentences (Scottish
National Portrait Gallery, 1998).
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Little Sparta – The Garden of Ian Hamilton Finlay, visites de juin à septembre, entre Édimbourg et Glasgow, Écosse.
« David Horvitz. All Avenues Lined With Trees », 7 septembre-19 octobre 2024, galerie Jean-Kenta Gauthier, 5, rue de l’Ancienne-Comédie, 75006 Paris et 4, rue de la Procession, 75015 Paris.
« David Horvitz & Ali Eyal. A New Garden From Old Wounds », 12 septembre-12 octobre 2024, ChertLüdde, Potsdamer Straße 97, 10785 Berlin, Allemagne.