« Avec la disparition de Kasper König, le monde perd l’un des conservateurs les plus importants de la seconde moitié du XXe siècle », a salué Hans Ulrich Obrist, le codirecteur des Serpentine Galleries, à Londres, dans un hommage publié par The Art Newspaper à l’annonce du décès du mentor allemand avec lequel il a collaboré et entretenu une amitié de plus de trente ans. Le conservateur de renommée internationale est mort le 9 août 2024 à Berlin, à l’âge de 80 ans.
Né le 21 novembre 1943 à Mettingen, en Allemagne, Kasper König a commencé sa carrière comme stagiaire à la galerie Rudolf Zwirner, à Cologne. En Rhénanie, il rencontre Joseph Beuys, Sigmar Polke et Gerhard Richter, lequel sera plus tard son témoin de mariage. Au début de la vingtaine, il part à Londres suivre des cours au Courtauld Institute of Art et travaille pour la Robert Fraser Gallery – qui expose Richard Hamilton et les premiers artistes pop – avant de traverser l’Atlantique en 1965.
À New York, il fait la connaissance de Carl Andre, Dan Graham, On Kawara, Sol LeWitt, Bruce Nauman... et devient le représentant américain du Moderna Museet, à Stockholm (Suède). À l’invitation de son directeur, Pontus Hultén, Kasper König y montera en 1966 sa première exposition, consacrée à Claes Oldenburg ; puis il met à l’honneur Andy Warhol, deux ans plus tard.
En 1969, il prend la direction, avec son ami Isy Fiszman, de l’espace expérimental A379089, à Anvers (Belgique). Parallèlement à ses activités de commissariat d’exposition, il fonde, avec son frère aîné Walther, la maison d’édition Verlag Gebrüder König à Cologne, disposant d’une succursale à New York.
De retour en Allemagne en 1978, Kasper König est à l’initiative d’expositions muséales qui feront date. « L’une d’entre elles, “Westkunst” à Cologne en 1981, organisée conjointement avec le critique d’art László Glózer, a constitué une initiation à l’art pour toute une génération », rappelle Hans Ulrich Obrist. Il enseigne à la Staatliche Kunstakademie de Düsseldorf à partir de 1984, puis, en 1988, devient professeur à l’École Städel, à Francfort-sur-le-Main, qu’il dirige en tant que recteur l'année suivante. En 1987, il fonde le Portikus, un espace affilié à la Städelschule et dédié à l’exposition d’artistes contemporains émergents.
UN PIONNIER ENTHOUSIASTE
Directeur du Museum Ludwig, à Cologne, de 2000 à 2012, il redonne à la ville une aura internationale à un moment où Berlin lui ravissait le statut de centre artistique de l’Allemagne. À son décès, le musée a déploré « la perte d’une personne généreuse, indépendante, pleine d’humour et d’énergie qui nous a toujours emportés avec son enthousiasme pour l’art ».
Le magnum opus de Kasper König reste sans conteste les Skulptur Projekte Münster, devenus l’une des expositions d’art public les plus influentes au monde. À partir de 1977, avec son commissaire associé Klaus Bußmann, il fait œuvre de pionnier en érigeant une série d’installations et d’œuvres d’art dans cette ville du nord-ouest de l’Allemagne. L’exposition se tient, depuis, tous les dix ans. Ivet Ćurlin, Nataša Ilić et Sabina Sabolović, du collectif What, How and for Whom, assureront la direction artistique de la 6e édition en 2027.
Éternel curieux, « faiseur d’expositions » revendiqué, Kasper König nous confiait dans un entretien en 2019 : « Je ne pense pas que l’art puisse changer le monde, mais il peut nous confronter à des contradictions et à des complexités. Une œuvre doit être essentielle. »