En mars 2023, une étude scientifique publiée dans The Lancet Planetary Health désignait Londres et Paris comme les deux capitales européennes les plus dangereuses en matière de climat.
En effet, ces vingt dernières années, la mortalité de la population y a été la plus élevée du continent, respectivement lors de vagues de froid et de périodes caniculaires. L’exigence de rénovation énergétique du bâti, si elle renvoie à des motifs écologique et économique évidents, se fonde d’abord et avant tout sur une question vitale de santé publique.
Comme le souligne Philippe Rahm dans Histoire naturelle de l’architecture. Comment le climat, les épidémies et l’énergie ont façonné la ville et les bâtiments (Pavillon de l’Arsenal, 2020) – ouvrage de référence vite épuisé, sur le point d’être réédité en poche*1 –, la standardisation globale des édifices et l’usage massif du chauffage et de la climatisation nous ont presque fait oublier la mission physiologique première d’un bâti adapté à sa localité : maintenir une zone thermique confortable pour le corps humain indépendamment des conditions extérieures. L’auteur prône de renouer avec une approche météorologique de l’architecture où la part d’intangible – température, humidité, lumière, mouvements, etc., d’un lieu – dicte le choix des matériaux et la forme de la construction en vue d’une optimisation générale de son émissivité et son effusivité.
LE CHOIX DE L’IN SITU
Site et climat ainsi replacés au centre de la conception de l’habitat guident une architecture contemporaine soucieuse de transformer plutôt que d’ériger. Ils sont en effet de plus en plus nombreux les architectes, urbanistes, designers, artistes à préférer à l’édification ex nihilo l’adaptation in situ. Parmi les précurseurs de l’architecture circulaire et durable, les plus célèbres sont sans doute Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal et leur opposition farouche à la démolition, qu’il s’agisse de bâtiments patrimoniaux comme le Palais de Tokyo à Paris (réaménagement, 2012-2014) ou de grands ensembles de logements sociaux telle la cité du Grand Parc à Bordeaux (transformation, 2017).
Fondée en 1987, l’agence lacaton & vassal*2 multiplie les œuvres de régénération avec une même attention portée aux données vivantes de chaque lieu – jusqu’à valoir aux deux architectes le prix Pritzker en 2021. De plus en plus soucieuse des enjeux écologiques et sociaux de la discipline, la fameuse distinction, considérée comme le Nobel d’architecture, honore ces dernières années des praticiens et praticiennes d’horizons variés respectueux de l’environnement au sens large. Ainsi, l’année 2022 a vu récompenser le Burkinabé Diébédo Francis Kéré*3 pour lequel toute construction est un acte communautaire de cocréation. Incidemment, ce dernier est le premier architecte issu du continent africain à être primé. Une nouvelle occasion d’alimenter les dialogues plus nécessaires que jamais entre l’Occident et les Suds face à l’urgence climatique.
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*1 L’ouvrage a fait l’objet d’une réédition dès 2021 aux éditions du Pavillon de l’Arsenal; il sera disponible au format poche à l’automne 2023, aux éditions Points/Seuil.
*2 lacatonvassal.com
*3 Voir la monographie : Andres Lepik et Ayça Beygo, Francis Kéré. Radically Simple, Berlin, Hatje Cantz, 2016.