Cela n’est rien de le dire, il y a urgence. Cela fait même des décennies que beaucoup le disent. Pourtant, la catastrophe écologique semble poursuivre sa course sans trop d’encombres. La biodiversité continue de décliner rapidement, et les conditions de vie se détériorent partout sur la planète. Quand certains le crient à renfort de coups d’éclat – au risque d’attirer autant l’attention que la délégitimation (la portée effective des jets de sauce tomate, purée de pommes de terre et tarte au chocolat contre les énergies fossiles demeure incertaine) –, d’autres alertent avec des modes d’expression peut-être moins spectaculaires, mais non sans une vive conviction. Quoi qu’il en soit, les initiatives de réflexion et d’action se multiplient au sein même de l’écosystème artistique : dans la foulée de la publication collective Culture Declares Emergency (CDE) au Royaume-Uni en 2019, la Tate Modern s’engage à réduire de moitié son empreinte carbone d’ici 2023; à New York, le collectif Galleries Commit, rassemblant galeries et leurs artistes, prend officiellement position en faveur de pratiques plus durables; de plus en plus d’associations et de cabinets de conseil proposent la mise en place de méthodes concrètes de transition écologique (en France La Réserve des arts ou Les Augures, par exemple).
Cette prise de conscience généralisée produit aussi de nombreux projets artistiques. Pour n’en citer que quelques-unes, les expositions récentes « Scratching the Surface » à la Hamburger Bahnhof, à Berlin (2021), « Réclamer la terre » au Palais de Tokyo, à Paris, et « Les Vivants », présentée par la Fondation Cartier au Tripostal, à Lille (2022), ou, en ce moment au MIT List Visual Arts Center, à Cambridge, près de Boston, « Symbionts : Contemporary Artists and the Biosphere ». Conçue par Caroline A. Jones, Natalie Bell et Selby Nimrod autour d’une douzaine d’artistes internationaux, dont Pierre Huyghe, Candice Lin, Pamela Rosenkranz et Anicka Yi, cette exposition accompagnée d’un riche catalogue et d’une série de conférences (notamment « Syn/\Sym : Biology in Art & Design ») se concentre sur la notion de symbiose, les symbiotes désignant ces êtres d’espèces différentes vivant ensemble, liés par des relations d’interdépendance; il peut s’agir autant d’organismes complémentaires, microbiens que parasitaires. Axées sur le caractère collaboratif de la biosphère et de ses cycles de vie, comme en témoignent les cultures de bactéries et champignons, mais aussi la décomposition de matière présentes dans l’exposition, les formes de bio-art développées ici brouillent les frontières entre création artistique et recherche scientifique, à travers des expérimentations qui soulignent les indéfectibles liens et interactions critiques qui sous-tendent nos écosystèmes.
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« Symbionts : Contemporary Artists and the Biosphere », 21 octobre 2022-26 février 2023, MIT List Visual Arts Center, 20, Ames Street, Building E15, Cambridge, Massachusetts 02139.