La nécropole des Alyscamps (« Champs Élysées» en provençal) est sans doute l’un des sites antiques et médiévaux les plus romantiques de la région arlésienne. Ce qui subsiste aujourd’hui de la cité réservée aux morts vertueux selon la mythologie grecque lui vaut d’être classée, depuis le courant du XIXe siècle, au titre des monuments historiques. Une allée principale entourée de sarcophages en pierre est ponctuée d’édifices érigés au fil des temps : l’église Saint-Honorat (XIe siècle, reconstruite au XIIe siècle), la chapelle expiatoire puis mortuaire Saint-Accurse (XVIe siècle), le monument des Consuls (XvIIie siècle). Pour la remarquable préservation de son patrimoine romain et roman – dont les Alyscamps –, Arles est inscrite depuis 1981 sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.
Quarante ans plus tard, et bien après que Vincent van Gogh et Paul Gauguin les ont peints en 1888, Lee Ufan établissait in situ un parcours d’une dizaine de stations. Sous le commissariat d’Alfred Pacquement, peintures, sculptures et installations entraient en dialogue étroit avec leur écrin historique. Mêlant différents matériaux de prédilection de l’artiste coréen (roche, métal, miroir), mais aussi l’ombre et la lumière, le silence et la résonance, ses Relatum proposaient une méditation délicate sur le passage des choses et de la vie. À mi-parcours, des clochettes accrochées aux arbres tintinnabulaient au gré du vent en hommage à Christian Boltanski, disparu en 2021, peu avant l’ouverture de l’exposition intitulée « Requiem » (30 octobre 2021-29 septembre 2022).
HABITER LE LIEU
Par nature inachevé, le cycle de pièces instrumentales OCCAM d’Éliane Radigue s’est enrichi d’un nouvel opus créé spécifiquement pour le jardin de la Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris. OCCAM Hexa VI, un quintette pour clarinette, saxophone, trompette, tuba et percussions, a également été conçu en lien intime avec les esprits des lieux. Bruissements de feuilles, chants d’oiseaux, rumeurs de la ville, mais aussi présence silencieuse de tout ce qui compose, au-delà d’un simple jardin ou parc de sculptures, une véritable œuvre : le Theatrum Botanicum de Lothar Baumgarten, cet espace vivant pensé pour accueillir d’autres œuvres. Certaines l’habitent de façon prolongée, d’autres de manière plus transitoire, comme cette soirée de septembre 2022 lors de laquelle les interprètes de longue date de la pionnière de la musique électroacoustique donnèrent corps aux nappes ondulatoires d’une partition courant de l’à peine audible au débordement sonore, tel un océan parcouru, évoque Éliane Radigue, « des grandes houles profondes aux vaguelettes des beaux jours d’été ».
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* Esprit du lieu
Jean Guyon, Alfred Pacquement et Sylvain Prudhomme, Lee Ufan. Requiem, Arles, Actes Sud, 2022, 96 pages, 25 euros.
Sound American : The OCCAM Ocean Issue, no 26, avril 2021, 128 pages, 15 euros, édition anglaise.