La photographe péruvienne Ana Elisa Sotelo a reçu le Thinking Sustainability* Photography Prize (*Penser le développement durable) lors de la cérémonie de remise du prix qui s’est tenue le 7 novembre 2024 au Reid Hall, émanation de l'Université de Columbia à Paris qui abrite l’Institute for Ideas & Imagination, dans le sixième arrondissement de la capitale.
Pour cette première édition, Ana Elisa Sotelo, qui représentait l’Amérique du Sud, a été choisie parmi cinq autres finalistes : Irene Barlian (Asie), Adam Ferguson (Océanie), Maya Goded (Amérique du Nord), Pierrot Men (Afrique) et Mónica de Miranda (Europe).
À la suite d’une fracture de la colonne vertébrale en 2016, Ana Elisa Sotelo découvre le pouvoir de guérison de la médecine traditionnelle amazonienne. Sa série Portraits of the Multiverse « est une recherche visuelle en cours entre Sadith Silvano, maître de l’art Shipibo Konibo "Kené", et moi-même, explique l’artiste. L’art Kené illustre la composition vibratoire sous-jacente de l’univers. Cette collaboration découle d’un besoin de rendre visible l’invisible et se compose de photographies brodées et de vidéos d’accompagnement. Dans ce travail, je présente des éléments de l’Amazonie, tandis que Sadith révèle l’énergie immatérielle qui règne dans la jungle à travers la broderie. Les images sont prises sur les rives des rivières Shanay-Timpishka et Nanay. Actuellement, cette région, comme une grande partie de l’Amazonie, subit une déforestation massive à un rythme alarmant. La forêt primaire est rasée pour faire place à des terres agricoles, ce qui entraîne non seulement la disparition de la flore et de la faune, mais aussi un changement culturel et une modification de la relation entre les habitants de la forêt et de la terre. »
Et d’ajouter : « Dans un paysage où territoire et culture sont inextricablement liés, la disparition des forêts entraîne la disparition des esprits et de l’âme de la jungle. Le peuple Shipibo de l’Amazonie représente et rend visible ce monde depuis des milliers d’années par le biais de la forme d’art "Kené". […] L’artiste Shipibo Sadith Silvano rend ce monde visible en brodant "Kené" sur mes photographies. »
Les images récompensées d’Anna Elisa Sotelo rappelent l’urgence de préserver cet écosystème et ses cultures. En 2021, la photographe a remporté l’International Women in Photo Award pour son projet Las Truchas, célèbrant les nageuses de Lima au Pérou, symbole de la résilience de la communauté pendant la pandémie.
Créé par Audrey Bazin, directrice artistique de la Fondation Louis Roederer, le programme international Thinking Sustainability a été conçu pour répondre aux changements perpétuels des perspectives et des situations liées au développement durable.
Le Thinking Sustainability Prize récompense un ou une photographe dont le travail aborde une problématique liée au développement durable, par le prisme des sciences naturelles ou celui des sciences humaines. La dotation du prix est de 8 000 euros, à laquelle s’ajoute la commande d'un texte critique rédigé par une ou un historien de l'art provenant du même continent que le ou la photographe primé(e).
Second volet, le Thinking Sustainability Research rassemble une sélection de textes de penseurs et de chercheurs du monde entier invités par la Fondation à écrire sur le sujet de leur choix. Parmi les auteurs, Barbara Cassin de l’Académie française propose une réflexion sous le titre : Cosmos, une écologie grecque ? ; Amita Baviskar traite de la mousson sur le sous-continent indien ; Ryota Nakajima se penche sur les déchets éternels qui s’accumulent dans les profondeurs de la mer.
Le jury de cette première édition du Thinking Sustainability Photography Prize a étudié 54 candidatures soumises par 18 rapporteurs, experts en photographie, représentant tous les continents. L’Amérique étant subdivisée en deux : nord et sud.
Le jury 2024 était constitué de : Joël Andrianomearisoa, artiste et directeur artistique, Hakanto Contemporary, Antananarivo (Madagascar/France) ; Emanuele Coccia, philosophe (Italie/France) ; Yuko Hasegawa, directrice du Musée d'Art contemporain du XXIe siècle, Kanazawa (Japon) ; Lekgheto James Makola, CEO du Javett Art Centre, Pretoria University (Afrique du Sud) ; Janet Laurence, artiste (Australie) ; María Wills Londoño, chercheuse et commissaire d’exposition (Colombie) ; Tanvi Mishra, commissaire d’exposition (Inde) ; Vincent Munier, photographe (France) ; Marie Perennès, directrice de création, Manufacture Saint-Louis, Hermès (France) ; Selina Nwulu, poète (Angleterre) ; María Inés Rodríguez, directrice de la Fondation Walter Leblanc, à Bruxelles, et directrice artistique de Tropical Papers (Colombie/France) ; Alexandra Tilling, Brand manager, Maisons Marques et Domaines Ltd, Roederer Collection (Angleterre) ; Audrey Bazin, directrice artistique de la Fondation Louis Roederer (France).