L’œuvre inclassable de Marisa Merz (1926-2019) aura traversé toute la seconde moitié du XXe siècle, à la périphérie de l’arte povera comme de la Transavanguardia italienne, se tenant cependant toujours en marge des grands courants qui ont contribué à forger cette fameuse « identité italienne ». Dès la fin de son adolescence, elle fréquente le milieu culturel turinois, qui s’adonne à la peinture, au théâtre ou à la danse. Son travail est remarqué avec l’exposition de ses Living Sculptures, constituées de feuilles d’aluminium, qu’elle organise dans son propre appartement. Les sculptures sont ensuite exposées à la galerie turinoise de Gian Enzo Sperone en 1967, envahissant l’espace jusqu’à saturation. Cette même année, le critique d’art Germano Celant pose les bases du mouvement de l’arte povera, auquel Marisa Merz sera indirectement associée sans pour autant en faire intégralement partie.
Expérimentant différents matériaux, elle travaille avec des couvertures, de la laine, du fil de nylon, puis avec de la parafine et du plomb. C’est le fil de cuivre qui devient son matériau de prédilection ; elle le tisse comme s’il s’agissait de textile. Elle travaille la forme de carrés, souvent de petits formats, qu’elle laisse indépendants ou qu’elle dispose sous forme de constellations murales, jouant de vides et de pleins, à l’image d’une partition musicale à géométrie variable. Cette façon de procéder par mailles lui permet d’introduire dans le champ de l’art contemporain des savoir-faire traditionnels, afirmant ainsi la dignité de ces matériaux, de ces techniques et de ces usages du quotidien pour lesquels les gestes répétitifs sont de mise. L’art et la vie sont étroitement liés, comme peuvent l’être les sphères artistiques et domestiques.
Des visages, des figures
Marisa Merz ne semble se fixer aucune contrainte ou obligation dans sa pratique. Dès le milieu des années 1970, elle commence à travailler l’argile, la terre crue ou encore la cire pour produire des « petites têtes » d’apparence fragile, rehaussées de peinture, de feuille d’or ou, toujours, de fils de cuivre. Ces menus visages ponctuent le tracé de l’exposition. Très peu de ses œuvres sont datées, néanmoins une salle d’archives permet de mieux situer ses recherches dans le temps.
Qu’ils soient sculptures, dessins ou peintures de grand format, les visages créés par Marisa Merz échappent à toute identification. Une figure féminine semble toutefois émerger de tous ces portraits fantomatiques et évanescents. Ses références à l’histoire de l’art, en particulier italienne, sont nombreuses. Elle emprunte ainsi à Léonard de Vinci la technique du sfumato, qui consiste à estomper la matière picturale pour jouer sur la transparence et l’opacité. D’autres figures oniriques la rapprochent plutôt de grands peintres symbolistes comme Gustav Klimt ou Fernand Khnopff. Conservant un caractère paradoxal et énigmatique, la cohérence de son travail devient réalité grâce à cette rétrospective.
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« Marisa Merz. Écouter l’espace », 3 mai - 22 septembre 2024, LaM (Lille Métropole, Musée d’art moderne, d’art contemporain et d’art brut), 1, allée du Musée, 59650 Villeneuve-d’Ascq.