La galerie Marian Goodman a dévoilé la date d’ouverture et les grandes lignes de l’exposition inaugurale de son nouvel espace phare de Tribeca, à New York. Le 26 octobre 2024, l’enseigne inaugurera une exposition collective, dont le titre n’a pas encore été dévoilé, qui réunira les œuvres d’une cinquantaine d’artistes qu’elle représente. L’exposition, qui sera visible jusqu’au 21 décembre 2024, se veut à la fois une célébration du demi-siècle d’histoire de la galerie et le point de départ d’un cycle placé sous l’égide de la nouvelle équipe de direction.
« Nous voulons que l’exposition soit très vivante, car il s’agit d’un nouveau départ. C’est à la fois un regard sur le passé et sur l’avenir », a expliqué à The Art Newspaper Philipp Kaiser, président de la galerie et l’un des cinq associés nommés par la fondatrice Marian Goodman pour gérer l’enseigne au quotidien en 2021.
Le nouveau siège de la galerie occupera les cinq étages de l’historique Grosvenor Building, un entrepôt industriel de la fin du XIXe siècle situé au 385 Broadway. Rénové par le cabinet d’architecture StudioMDA, le site de près de 2 800 mètres carrés comprendra deux étages d’espaces d’exposition publics, un étage réservé à l’accueil de clients pour des présentations privées, une bibliothèque et des archives, ainsi que des espaces de stockage d’œuvres et des bureaux.
Ces distinctions entre les espaces du bâtiment pourraient toutefois ne pas s’appliquer à l’exposition inaugurale, selon Philipp Kaiser et Rose Lord, associée gérante de la galerie. Cette dernière explique, en effet, qu’après de nombreux échanges avec les artistes de la galerie, une exposition de groupe dépassant les limites traditionnelles « semblait être la manière la plus démocratique » de porter le nouveau siège sur les fonts baptismaux.
« Si nous utilisons toutes les salles d’exposition et tous les espaces qui ne seront pas nécessairement ouverts au public pendant les expositions normales, nous pourrons trouver un bon moyen d’accueillir tous les artistes », précise-t-elle, avant d’ajouter : « Cela fait longtemps que tous les artistes de la galerie n’ont pas été exposés en même temps. »
La dernière exposition de ce type chez Marian Goodman remonte à 2007 : il s’agissait de l’exposition en deux parties « 30/40 », organisée par Benjamin Buchloh à l’occasion du 30e anniversaire de la galerie. Elle comprenait des œuvres de 40 artistes. L’exposition inaugurale de l’immeuble de Tribeca offrira un aperçu encore plus ambitieux de la sensibilité esthétique de la galerie. Les nouvelles œuvres partageront l’espace avec celles historiques, les jeunes artistes seront mis en contexte avec les plus anciens, et les pièces murales présentées aux côtés d’installations et performances.
Philipp Kaiser s’empresse toutefois de souligner que le résultat final transcendera ce que les voyageurs fatigués du monde de l’art voient régulièrement dans les foires du monde entier. « Cela ne ressemblera pas à un stand de foire d’art, précise-t-il. Nous essayons de créer des correspondances, des combinaisons et des plates-formes significatives. »
Bien que la liste des pièces soit encore en cours de finalisation, figureront parmi les moments forts de l’exposition une nouvelle œuvre photographique d’An-My Lê, une grande photographie peinte à la main par Tacita Dean, une nouvelle vidéo d’Eija-Liisa Ahtila traitant des questions écologiques, et un ajout poignant à la longue série Timekeeper de Pierre Huyghe, dans laquelle l’artiste a soigneusement poncé – à l’aide d’une ponceuse circulaire – des sections de murs dans les espaces d’exposition, révélant les nombreuses couches de peinture sous leur surface. Pierre Huyghe extrait souvent ces sections et, dans ce cas, il en présentera une dont la matière première est l’un des murs du siège actuel de Marian Goodman sur 57th Street, rendant ainsi l’histoire de la galerie visible et littérale dans son nouvel emplacement phare. Marcel Broodthaers, le premier artiste à avoir exposé à la galerie après sa fondation en 1977, sera également « très présent » dans l’exposition, selon Philipp Kaiser. Et d’ajouter : « Notre exposition inaugurale marque la première occasion depuis près d’une décennie de découvrir l’éventail complet de nos artistes et dévoile les connexions, les affinités et les points d’intersection personnels et créatifs qui ont été encouragés et ont prospéré parmi ces artistes. »
La galerie précise que l’exposition inaugurale comprendra également des œuvres de : Chantal Akerman, Giovanni Anselmo, Leonor Antunes, Nairy Baghramian, Lothar Baumgarten, Dara Birnbaum, Christian Boltanski, Daniel Boyd, Maurizio Cattelan, James Coleman, Tony Cragg, Richard Deacon, Rineke Dijkstra, Cerith Wyn Evans, Andrea Fraser, Bernard Frize, Dan Graham, Cristina Iglesias, Amar Kanwar, Steve McQueen, Julie Mehretu, Annette Messager, Delcy Morelos, Sabine Moritz, Maria Nordman, Gabriel Orozco, Giulio Paolini, Giuseppe Penone, Edi Rama, Anri Sala, Matt Saunders, Tino Sehgal, Paul Sietsema, Robert Smithson, Ettore Spalletti, Tavares Strachan, Thomas Struth, Niele Toroni, Adrián Villar Rojas, Danh Vo, James Welling et Yang Fudong.
La galerie Marian Goodman dispose désormais d’espaces permanents à New York, Paris et Los Angeles. Le site de Californie, qui a ouvert ses portes en 2023, a renforcé la présence d’enseignes de haut niveau entourant Highland Avenue à Hollywood. La galerie parisienne, établie en 1998 dans un hôtel particulier du Marais, s’est agrandie en 2017 avec un espace voisin, rue du Temple, dédié aux livres et aux éditions (depuis converti en espace d’exposition). L’antenne londonienne a fermé ses portes en 2022, après huit ans d’existence.
Un déménagement de l’Upper East Side était évoqué de longue date au sein de la société. « Je travaille à la galerie depuis 22 ans. Pendant les dix premières années, Marian et les directeurs discutaient chaque semaine de l’opportunité de déménager à Chelsea, à l’époque », se souvient Rose Lord. Mais d’autres priorités ont pris le dessus, jusqu’à ce que, peu après le 93e anniversaire de Marian Goodman, la gestion de la galerie soit confiée à Philipp Kaiser, Rose Lord, son associée Emily-Jane Kirwan et les partenaires Leslie Nolen et Junette Teng. Marian Goodman conserve, quant à elle, le titre de directrice générale.
Les tentatives de la nouvelle direction de trouver un grand espace dans l’Upper East Side sont restées vaines, et une démarche similaire menée à Chelsea n’a pas donné de meilleur résultat. Puis, environ un an après le début des recherches, un agent immobilier a informé la galerie de la disponibilité du Grosvenor Building avant qu’il ne soit mis sur le marché.
« Il nous a semblé que c’était l’endroit idéal pour nous, explique Rose Lord. Nous sommes vraiment heureux de rejoindre la communauté de Tribeca, car celle autour de 57th Street s’est lentement affaiblie. » À proximité du nouveau navire amiral de l’enseigne se trouve une série d’importants lieux d’art, allant du 52 Walker, la kunsthalle dirigée par Ebony L. Haynes et gérée par David Zwirner, au 125 Newbury, le project space du fondateur de la Pace Gallery, Arne Glimcher, en passant par la PPOW Gallery, Andrew Kreps et Mendes Wood DM.
À côté des réactions enthousiastes de nombreux artistes représentés par l’enseigne, l’opportunité d’exploiter une galerie en rez-de-chaussée dans un quartier dynamique, par opposition à un espace en étage dans un quartier plus modeste, constituait l’un des autres attraits du Grosvenor Building. « Grâce à la flexibilité de l’espace et à l’importance de son emplacement à Tribeca, la nouvelle galerie va permettre à nos artistes de continuer à innover et à inspirer, tout en élargissant notre programme et en attirant un public de plus en plus large, explique Rose Lord. C’est, en outre, très agréable de ne pas avoir à transporter de lourdes sculptures au quatrième étage ! »
Les associés ont également été séduits par la possibilité de regrouper les bureaux sur un seul niveau, contrairement à 57th Street, où la répartition du personnel sur différents étages avait pour effet que « les gens s’envoyaient des courriels toute la journée, et nous n’étions pas aussi connectés ensemble », explique Philipp Kaiser.
L’espace de la galerie dans l’Upper East Side ferme ce vendredi 12 juillet 2024. Les employés basés à New York télétravailleront ensuite, jusqu’au début du mois de septembre, date à laquelle ils commenceront à s’installer progressivement dans le nouveau siège en vue de l’ouverture officielle, le 26 octobre.
« Notre programme est vraiment ancré dans l’histoire de l’art, explique Philipp Kaiser. Marian, lorsqu’elle a commencé, a été l’une des premières à faire venir des artistes européens aux États-Unis, alors que personne ne s’intéressait à l’art européen, allemand ou italien d’après-guerre. » Cet intérêt « s’est transformé en une vision globale » dans les années 1990, ajoute-t-il, et a continué à évoluer dans les années 2020. Ces dernières années, la galerie s’est attachée à promouvoir une nouvelle génération d’artistes, tels que Tavares Strachan et Delcy Morelos, alors même que des valeurs sûres comme Gerhard Richter et Nan Goldin ont rejoint des méga galeries.
Selon Emily-Jane Kirwan, « la Galerie Marian Goodman entre dans une phase passionnante vis-à-vis du public. Nos artistes sont au cœur de tout ce que nous faisons et notre nouvel espace phare à New York, ainsi que nos galeries à Paris et à Los Angeles, constituent des plateformes essentielles pour leurs pratiques internationales. »
« Lorsque les gens demandent ce qui relie tous les artistes – parce qu’ils font des œuvres très différentes – je réponds toujours qu’ils sont liés par une sensibilité et un intérêt pour l’histoire sociale, poursuit Rose Lord. Tous les artistes que nous exposons ont une voix forte pour nous faire avancer dans une période difficile et stimulante. »