« Je regarde le monde, je lis et je sens tout ce qu’il est, puis je le déforme », disait Jacqueline de Jong. Celle qui vivait et travaillait entre les Pays-Bas et la France est décédée des suites d’une maladie le samedi 29 juin 2024, à Amsterdam, aux Pays-Bas. Elle était née à Hengelo, en Hollande, en 1939, dans une famille juive, de parents collectionneurs d’art. Jacqueline de Jong avait dû fuir son pays avec l’arrivée du nazisme.
À la fin des années 1950, elle étudie l’histoire de l’art et devient l’assistante de Willem Sandberg, directeur du Stedelijk Museum d’Amsterdam. Elle découvre les idées de l’Internationale situationniste en fréquentant les artistes allemands du Gruppe SPUR. Elle entretiendra au début des années 1960 une relation amoureuse avec Asger Jorn et sera en contact avec Guy Debord, tous deux initiateurs de l’Internationale situationniste.
En 1962, paraît le premier numéro de sa revue Situationist Times, qu’elle dirige jusqu’en 1967, malgré sa mise à l’écart et celle des artistes du groupe par l’Internationale situationniste qui souhaite se tourner vers un activisme plus politique. Elle développe alors un « art figuratif, expressionniste, qui utilise un bestiaire à la fois monstrueux et naïf, hérité de CoBrA (Suicide Paintings, Accidental Paintings, Le Salau et les Salopards [sic]), résume le musée d’art moderne de Paris (MAM). Sa peinture emprunte aussi aux objets courants – paravent, miroir ou valise – en écho aux combine-paintings et au détournement situationniste ». Elle participe activement aux événements de Mai 1968, mais le durcissement des conditions de séjour des étrangers en France la contraint à retourner vivre à Amsterdam.
En 1971, elle réalise une série d’œuvres, qui prend la forme d’un journal intime, intitulée les Chroniques d’Amsterdam. Il s’agit d’une des réalisations les plus emblématiques de l’artiste. « L’œuvre de Jacqueline de Jong permet de témoigner de l’évolution de l’art hollandais post-CoBrA, et se met en relation avec l’émergence d’une génération d’artistes femmes qui prend la parole en revendiquant un récit à la première personne dans les années 1960 et 1970 », explique encore le MAM, qui possède plusieurs œuvres de l’artiste.
Jacqueline de Jong a bénéficié d’une exposition personnelle au Moderna Museet, à Stockholm, en 2012, mais aussi d’une rétrospective en 2018 au musée des Abattoirs à Toulouse, ainsi qu’au Stedelijk Museum à Amsterdam en 2019. Elle a également reçu en 2019 le Prix d’honneur d’AWARE (Archives of Women Artists Research and Exhibitions).
Ses œuvres sont présentes dans des collections publiques en France et à l’étranger telles que le Cobra Museum voor Moderne Kunst à Amstelveen, aux Pays-Bas ; le musée national d’Art moderne – Centre Pompidou et la Bibliothèque nationale de France (BnF) à Paris ; le Museum of Amherst University à Amherst, dans le Massachusetts, aux États-Unis ; le KunstCentret Silkeborg Bad à Silkeborg, au Danemark ; le musée Lenbachhaus à Munich, en Allemagne ; le Henie Onstad Kunstsenter près d’Oslo, en Norvège. Ses archives sont conservées par la Beinecke Rare Book and Manuscript Library de l’université de Yale à New Haven, dans le Connecticut, aux États-Unis.
La galerie Allen, qui la représente, a indiqué qu’elle « poursuivra son travail » en organisant une exposition personnelle à Paris dans sa galerie en octobre, ainsi qu’à la foire Art Basel Paris en octobre, mais aussi à Art Basel Miami Beach, en décembre 2024. « Ses publications, peintures et sculptures s’étendent sur plus de cinq décennies, dans lesquelles les motifs de l’érotisme, du désir, de la violence et de l’humour reviennent avec une progression irrépressible, passant d’un style à l’autre, de la peinture expressionniste à la nouvelle figuration et au pop art, et se réinventant constamment tout en adhérant à sa vision personnelle pionnière », a précisé la galerie.