Si de nombreux artistes, en particulier du XXe siècle, ont décidé de faire du passé table rase, et d’inventer une esthétique en totale rupture avec les œuvres qui les avaient précédés, la période actuelle est marquée par un nouveau regard sur l’histoire de l’art et un dialogue avec les compositions des maîtres anciens. Le musée du Louvre, qui a formé des générations de peintres et de sculpteurs venus se confronter aux chefs-d’œuvre, a ainsi organisé à l’automne 2023 des déambulations dans ses salles guidées par de grands artistes actuels venus parler d’œuvres qui les ont marqués, à l’invitation du commissaire Hans Ulrich Obrist, auteur de l’ouvrage Les Conversations du Louvre (2023). Ces échanges se sont poursuivis dans les « paroles du Louvre », série de podcasts d’Anaël Pigeat [editor-at-large de notre mensuel The Art Newspaper Édition française] invitant douze artistes à parler face à des œuvres du musée, de Thomas Lévy-Lasne [actuellement à l’honneur à la Galerie Les Filles du Calvaire] à Nathanaëlle Herbelin. Cette dernière prolonge ce dialogue avec le passé au musée d’Orsay, qui l’a invitée à présenter jusqu’au 30 juin ses tableaux face à une sélection de peintures issues de ses collections. Le travail de l’artiste née en 1989 en Israël se nourrit de l’intime, de sa propre vie et de celle de ses proches, prenant pour cadre son atelier, et le Canapé de l’amour – pour reprendre le titre d’une toile de 2022. Il trouve naturellement une proximité sur les cimaises de l’institution avec des tableaux d’intérieurs d’artistes tels qu’Édouard Vuillard, Maurice Denis ou Pierre Bonnard, jusqu’à ses deux petits formats représentant des chats confrontés à celui, blanc, de ce dernier peintre nabi.
Ce dialogue avec le passé se poursuit dans un autre lieu et dans un autre cadre à l’hôtel de Sully à Paris, dans une conversation cette fois entre un monument historique et l’art contemporain, que l’on sait toujours très riche. Dans l’Orangerie de cet hôtel particulier du XVIIe siècle aujourd’hui siège du Centre des monuments nationaux, David Tremlett vient d’inaugurer une commande pérenne, une grande fresque qui se déploie sur tout un mur, face au jardin. Cette peinture abstraite, Wall in 27 sections (Mur en 27 sections), construite suivant deux registres séparés par un bandeau gris, adopte des tons chauds, déclinaisons d’orangés et de beiges en haut, et de verts en bas, évoquant ainsi les plantations extérieures. Tout en nuances, la peinture rappelle aussi des rideaux balayés par le vent. Elle s’inscrit parfaitement dans cet espace orné d’une magnifique cheminée de pierre sculptée, alliant tradition des grands décors et art contemporain. Un dialogue fécond et subtil.