« Si tout au long du XXe siècle, et plus particulièrement à partir des années 1960, le dessin est largement devenu autonome, il conserve cependant cette caractéristique forte d’être symbiotique avec d’autres médiums et d’autres formes de langage. » À l’appui de ce constat, Joana P.R. Neves, directrice artistique de la Foire Drawing Now, met rapidement en place le secteur Process lorsqu’elle rejoint l’équipe du Salon en 2018. Occupant l’espace en sous-sol du Carreau du Temple, Process explore les expressions multiples du dessin tout comme ses usages contrastés, lesquels forment un territoire d’expérimentation où le médium se réinvente en toute liberté.
Une nouveauté pour cette édition 2024 : le secteur attire davantage de marchands venus de l’étranger, notamment d’Italie et du Royaume-Uni, mais également d’Allemagne, du Portugal et de Roumanie. « Ce qui nous réjouit, c’est que non seulement les galeries étrangères nous font confiance, mais, de plus, ces dernières candidatent à ce secteur novateur, soulignant le caractère contemporain du dessin », confie Joana P.R. Neves.
Des enjeux croisés
Ces nouvelles enseignes – constituant la moitié des dix galeries exposées à Process – prennent place aux côtés des françaises : ainsi des parisiennes Galerie Binome et quand les fleurs nous sauvent, ou encore de la romainvilloise 22,48 m2. Deux autres viennent de région, la Galerie F., établie à Senlis, dans l’Oise, et Antoine Dupin, installé non loin de Cancale, en Ille-et-Vilaine.
Parmi les primoparticipantes figurent la galerie portugaise Presença (Porto) ou anglaise CLOSE ltd (Taunton). Cette dernière présente l’œuvre fondée autour de l’ellipse de l’artiste britannique Jane Harris (1956-2022) – à laquelle le Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, à Bordeaux, rend également hommage sous la forme d’une rétrospective 1*. Gaep (Bucarest, Hongrie) fait aussi son entrée et concentre sur son stand les œuvres de Raluca Popa et Răzvan Anton, proposant une approche davantage conceptuelle.
Même constat pour Nadine Fecht exposée chez Drawing Room (Hambourg, Allemagne), dont les travaux révèlent une implication dans l’écriture, l’abstraction ainsi que la peinture. Car au sein du secteur Process, les œuvres dialoguent entre elles et développent alors de multiples enjeux croisés. Ici, le dessin ne s’envisage donc plus à travers sa seule relation à la feuille de papier, mais se déploie dans une étonnante diversité. Avec les gravures sur tissu de Julia Haumont montrées par la CAR Gallery (Bologne, Italie), il emprunte ainsi les voies du textile, tandis qu’avec les œuvres de Françoise Vanneraud (quand les fleurs nous sauvent), il s’épanche en d’authentiques installations. Puisant ses sources dans des photographies extraites de livres anciens, Hélène Jayet (galerie Antoine Dupin) réinterprète, pour sa part, les représentations de l’Afrique coloniale au moyen de minutieux maillages de points. Une façon de bousculer la perception. L’œil est de la sorte happé par la multiplicité des manifestations matérielles du dessin présente au sein de ce secteur, laquelle multiplicité suscite le plaisir de la découverte, tout comme celui de la curiosité.
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1* «Ellipse. Jane Harris», 16 février - 3 mars et 5 avril - 30 juin 2024, Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, Bordeaux.