Le procès pour fraude au civil entre Sotheby’s et le milliardaire russe Dmitry Rybolovlev a mobilisé la salle d’audience du juge Jesse Furman à Manhattan pendant trois semaines, mais les jurés n’ont eu besoin que de moins d’une seule journée pour rendre leur verdict. Mardi 30 janvier, en milieu d’après-midi, le jury s’est prononcé en faveur de Sotheby’s sur tous les chefs d’accusation, mettant un terme à l’un des litiges les plus longs et les plus spectaculaires de l’histoire du marché de l’art.
« La décision rendue aujourd’hui réaffirme la détermination de longue date de Sotheby’s à respecter les normes les plus strictes en matière d’intégrité, d’éthique et de professionnalisme dans tous les volets du marché de l’art. Nous sommes reconnaissants au jury pour son verdict, qui disculpe totalement Sotheby’s de toute faute présumée », a déclaré un porte-parole de la maison de vente aux enchères dans un communiqué.
Le jury a rejeté toutes les charges retenues contre Sotheby’s concernant les ventes privées des quatre œuvres au centre du procès : le Salvator Mundi (vers 1500), réattribué de manière controversée à Léonard de Vinci ; la toile Wasserschlangen II (Serpents d’eau II) de Gustav Klimt datant de 1907 ; le tableau Le Domaine d’Arnheim (1938) de René Magritte et la sculpture Tête d’Amedeo Modigliani.
Chacune de ces œuvres avait été acquise par Accent Delight International ou Xitrans Finance, les trusts familiaux offshore de Dmitry Rybolovlev, par l’intermédiaire du marchand suisse Yves Bouvier, à des prix allant d’environ 40 millions de dollars à 200 millions de dollars. Le procès visait à déterminer si Sotheby’s avait « contribué de manière substantielle » à la fraude par ses échanges avec Yves Bouvier (qui n’était pas partie au procès) lors de la vente des œuvres. Le jury a répondu par un non catégorique.
L’un des seuls points positifs pour Dmitry Rybolovlev réside dans le fait que le verdict n’a pas accordé de dommages-intérêts compensatoires à la maison de vente aux enchères, ce qui signifie notamment que Sotheby’s reste redevable de ses propres frais de justice (sans aucun doute considérables) pour se défendre devant le tribunal. Mais les avocats du milliardaire ont également tenté de souligner qu’ils avaient néanmoins remporté une victoire d’ordre éthique.
« Cette procédure a atteint notre objectif, qui était de mettre en lumière le manque de transparence qui règne sur le marché de l’art. Ce manque de transparence a rendu difficile l’établissement de la preuve d’un cas complexe de complicité de fraude, a déclaré Daniel Kornstein, l’un des avocats représentant les trusts de Rybolovlev, dans un communiqué. Ce jugement ne fait que souligner la nécessité de réformes, qui devront être conduites en dehors de la salle d’audience ».
Dmitry Rybolovlev avait accusé en vain Yves Bouvier d’avoir commis des fraudes pendant dix ans. Il affirmait qu’Yves Bouvier l’avait surfacturé de plus d’un milliard de dollars les 38 œuvres vendues à ses trusts entre 2003 et 2014, une période durant laquelle Dmitry Rybolovlev prétendait qu’Yves Bouvier était censé agir en tant qu’agent pour son compte (ce dernier affirme depuis le début que le milliardaire savait qu’il agissait en tant que marchand libre de fixer ses propres prix ; il n’a jamais été reconnu coupable d’un quelconque délit).
Après avoir engagé des poursuites civiles et pénales contre Yves Bouvier dans des pays tels que la Suisse, Monaco, Hong Kong et Singapour, Dmitry Rybolovlev a conclu un accord avec Yves Bouvier dans toutes ces affaires en décembre 2023. Le procès de New York contre Sotheby’s – aboutissement d’une action au civil intentée à l’origine par le camp de Dmitry Rybolovlev en 2015 – a donc fait office d’une bataille par procuration représentant peut-être la dernière occasion pour le milliardaire d’obtenir une réparation financière des torts qu’il aurait subis de la part d’Yves Bouvier.
Le jury ayant tranché en faveur de Sotheby’s sur tous les chefs d’accusation, cette affaire s’est achevée sur la victoire de la maison de vente aux enchères.
« Tout au long du procès, le plaignant a fait preuve d’un manque flagrant de preuves et, comme il est clair depuis le début, Sotheby’s a strictement respecté toutes les dispositions légales, les obligations financières et les meilleures pratiques en vigueur dans le secteur lors de la vente de ces œuvres d’art, poursuit le communiqué du porte-parole de la maison de vente aux enchères. Les fausses déclarations du plaignant concernant Sotheby’s et le marché de l’art ont été rejetées de manière éclatante, et Sotheby’s continuera d’être un leader du marché et une source d’expertise digne de confiance ».
Il n’est pas encore clair si Dmitry Rybolovlev et ses avocats vont interjeter appel de cette décision. Une demande de clarification envoyée à un porte-parole par The Art Newspaper n’a pas encore obtenu de réponse.