Vous êtes devenue directrice d’artgenève au cœur de l’été 2023, à la suite des licenciements soudains de Thomas Hug et de Laura Meillet, qui étaient à la tête du Salon depuis onze ans. Même si vous travailliez depuis longtemps à leurs côtés, votre nomination a été une surprise. Avez-vous tout de suite accepté cette proposition ?
Artgenève est une Foire qui s’est développée et a remporté un vrai succès sous la direction de Thomas Hug et Laura Meillet. Elle compte sur le marché de l’art genevois et international. Il était impensable de ne pas la maintenir. En effet, la décision a été soudaine, et le calendrier serré pour me prononcer puis monter l’édition 2024 du Salon. Mais en assurer la continuité et la pérennité ont été mes principales motivations.
Sans votre nomination, cette édition aurait-elle eu lieu ?
Vu le temps imparti, il aurait été difficile de recruter quelqu’un de l’extérieur. Je connais l’organisation et les équipes, qu’il a fallu compléter en urgence. J’ai reçu le soutien immédiat de Palexpo, le propriétaire de la Foire, celui des équipes techniques, du comité de sélection et de Philippe Davet, lequel conseille artgenève depuis ses débuts et tient, pour cette édition, un rôle de consultant externe. Sa présence nous a aidés à rassurer les exposants. Son expertise et la mienne nous ont permis de relancer ce concept excitant.
Personne n’a vraiment compris le renvoi brutal de l’ancienne direction. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je me concentre sur cette édition et le futur du Salon. Je ne peux pas répondre à cette question.
Thomas Hug incarnait cette Foire, à laquelle il a donné sa stature internationale. Entendez-vous ceux qui ne vous connaissent pas et craignent que ce changement de direction mette en péril l’avenir du Salon ? Que leur répondez-vous ?
Que ce sont des réactions prises sous le coup d’une nouvelle venue par surprise. Tout le monde est d’accord pour dire que c’est une manifestation qui compte pour Genève, le marché de l’art, les galeristes, les collectionneurs et les acteurs institutionnels de la région et de l’étranger. Genève est une place intéressante pour le marché de l’art, et Palexpo un formidable outil pour ce type d’événement. Nos exposants sont à 70 % internationaux, ce qui est plutôt inédit pour une Foire de cette taille. C’est cela qui est important : qu’artgenève ait lieu et que son avenir soit assuré.
A-t-il été difficile de convaincre vos partenaires de continuer de soutenir la Foire ?
J’étais responsable des partenariats pour le Salon depuis quelques années déjà. J’ai en grande partie consacré le peu de temps à ma disposition à expliquer à nos partenaires historiques les changements d’artgenève et ses nouvelles ambitions. Ils nous ont tous accordé leur confiance en répondant présents.
Les galeries ont aussi en majeure partie répondu présentes. Aviez-vous un doute à ce sujet ?
artgenève est une aventure portée par ses exposants. Les marchands nous ont fait confiance. Certains, qui n’étaient pas venus depuis un moment, sont de retour, comme Mennour ou Hauser & Wirth. Nous sommes également heureux de la première participation de Karma International, établie à Zurich.
Quels sont les changements dans cette édition ?
Elle s’inscrit dans la continuité de ce qui a été fait et a très bien fonctionné jusqu’à présent. Nous mettons toujours la priorité sur la qualité du programme d’exposition, et sur l’attention portée au format et à la scénographie de l’espace. Cette édition inaugure une seconde plateforme d’exposition pour les galeries intitulée « artgenève/sur-mesure ». Sur presque 500 m2, la Foire accueille cinq œuvres de grande taille, ou qui se distinguent par leur singularité, sélectionnées par le commissaire indépendant Nicolas Trembley chez nos exposants. Cela permet à ces derniers de présenter des pièces qui n’entrent pas sur leur stand et au public local et international de découvrir des œuvres hors norme. Nous tenons à conserver ce lien très fort avec la scène culturelle genevoise en général. Il appartient à l’ADN du Salon.
Qu’en est-il des invitations faites aux institutions ?
C’est un programme que nous développons encore. La Suisse possède un paysage d’institutions, de fondations et de collections privées impressionnant pour un si petit pays. Depuis toujours, nous nous ouvrons aussi à des institutions venant de l’étranger. Cette année, nous recevons notamment la Fondation Thalie, installée à Ixelles [commune de Bruxelles], et la Boros Collection, basée à Berlin. Nous poursuivons également notre programmation hors les murs avec des visites de collections privées genevoises.
En passant de 90 à 70 enseignes, vous avez réduit leur nombre de 20 %. Pour quelles raisons ?
Ce n’est pas tout à fait vrai. Cette année, nous avons 67 exposants dans la section principale et 13 dans la nouvelle section Solo Show, consacrée à la présentation d’un seul artiste. En tout, cela fait 80 participants, soit 2 de moins qu’en 2022.
En quoi la création d’une telle section était-elle nécessaire dans une Foire où le nombre d’exposants est déjà volontairement réduit ?
Nous avons remarqué que ce nombre avait beaucoup augmenté au fil des années, or nous pensons qu’il est important de maintenir un Salon à taille humaine. La volonté d’accueillir moins de galeries dans la section principale procède de cette idée de préserver ce format intimiste qui fait la particularité et le succès d’artgenève. Cela permet également au comité de sélection de se concentrer sur le choix des œuvres exposées afin de rendre la Foire attractive pour les marchands et les collectionneurs, de mieux fidéliser les galeries participantes et de conserver une diversité de l’offre pour le public. La section Solo Show fait aussi en sorte d’assurer la participation de galeries plus petites ou plus jeunes.
Dans la sélection, on trouve des galeristes installés certes depuis peu, mais qui représentent des artistes très importants. N’est-ce pas un peu réducteur de leur proposer un tel espace monographique ?
Pendant la Foire, ces galeristes organisent également des expositions dans leur propre lieu en centre-ville. Nous pensons que le Solo Show est une présentation propice à l’échange avec le public.
Sculpture Garden, Nightfall, Biennale de sculpture à Crans-Montana, concert de pièces sonores… Thomas Hug multipliait les projets sous l’étiquette d’artgenève. Allez-vous poursuivre cette ligne éditoriale ou plutôt calmer le jeu ?
Nous désirons avant tout nous concentrer sur nos deux Foires, artgenève et artmonte-carlo, qui sont notre cœur de métier et les événements les plus prisés par nos galeristes exposants et notre public. En ce qui concerne les autres manifestations placées sous l’égide d’artgenève tout au long de l’année, nous allons mettre en place un comité d’orientation afin de réfléchir à de futures opérations et les évaluer.
La direction de Palexpo avait clairement annoncé qu’elle ne voulait plus organiser la Biennale Sculpture Garden. Est-ce toujours sa position ?
L’exposition n’aura pas lieu en 2024. Il est encore trop tôt pour se prononcer sur l’avenir de cette manifestation extrêmement intéressante, mais qui nécessite des investissements importants. Y aura-t-il une édition en 2025 ? La discussion reste ouverte.
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artgenève, 25 - 28 janvier 2024, Palexpo, route François-Peyrot 30, 1218 Le Grand-Saconnex.