L’exposition de la Tate Britain « Women in Revolt ! Art, Activism and the Women’s Movement in the UK, 1970-1990 » [« Les femmes en révolte ! Art, militantisme et mouvement féministe au Royaume-Uni, 1970-1990 »] est l’aboutissement de cinq années de recherche et résulte d’une prise de conscience de la part de Linsey Young, sa commissaire. « Je n’en savais pas assez sur ce que faisaient les femmes artistes dans les années 1970 et 1980 au Royaume-Uni, une période sociopolitique qui m’a toujours fascinée, explique-t-elle. J’ai étudié dans les années 2000 et l’histoire de l’art réalisé par les femmes et les homosexuel(le)s ne faisait absolument pas partie de ce que l’on nous enseignait. Il est clair pour moi que j’aurais dû poser des questions à un stade plus précoce de ma carrière plutôt que d’accepter des récits obsolètes de l’histoire de l’art qui favorisent un petit groupe de personnes. »
Le parcours de l’exposition revient chronologiquement sur les événements qui ont défini le mouvement féministe en Grande-Bretagne à partir des années 1970, notamment l’Equal Pay Act (loi sur l’égalité des salaires), le Black Arts Movement et la Section 28, la loi adoptée en 1988 qui interdisait aux conseils municipaux et aux écoles de faire la promotion de l’homosexualité. Comprenant un éventail exceptionnel d’œuvres réalisées par plus de cent femmes travaillant individuellement ou au sein de collectifs au Royaume-Uni, l’exposition retrace l’évolution de pratiques créatives à multiples facettes et en prise avec les questions de société, dans un contexte de grands changements.
Selon Linsey Young, « Women in Revolt ! » ne vise pas tant à faire « découvrir » des artistes et leurs œuvres – ce qu’elle considère comme « une notion patriarcale et coloniale » – qu’à « réévaluer les priorités et à déplacer l’attention ». « Ces artistes et leur travail ont toujours été sous notre nez (institutionnel) et sont connus d’une large communauté, mais le monde de l’art dominant ne les a pas regardés », dit-elle.
Outre des noms familiers comme Sonia Boyce, Sutapa Biswas, Lubaina Himid et Linder, plusieurs artistes sont exposées ici pour la première fois dans une grande institution. C’est le cas de Nancy Willis, une activiste qui s’est battue pour les droits des personnes handicapées, en particulier des femmes, dans les années 1980 et 1990 ; et de Poulomi Desai, une artiste autodidacte engagée dans des groupes antifascistes et dans le mouvement anti-apartheid. Un certain nombre d’œuvres exposées n’ont pas été montrées depuis les années 1970. Parmi les thèmes clés abordés figurent les tâches ménagères, la garde d’enfants et le sexe.
Pour Linsey Young, l’un des points essentiels a été de travailler en collaboration avec une équipe majoritairement composée de femmes, dont la productrice Rosie Oliver, avec laquelle elle a réalisé un podcast en six parties. « Je voulais rendre cette émission aussi accessible que possible et, grâce à la générosité des artistes et à la rigueur de Rosie, nous sommes en mesure de permettre à des personnes du monde entier d’y accéder gratuitement », conclut-elle.
« Women in Revolt ! Art, Activism and the Women’s Movement in the UK 1970-1990 », jusqu’au 7 avril 2024, Tate Britain, Millbank, Londres.