Les mystérieux « Barbus Müller » chez Tajan
Les « Barbus Müller » sont très rares sur le marché. On sait peu de choses de ces sculptures mystérieuses, sans doute auvergnates, taillées en granit ou en pierre volcanique. Elles sont découvertes chez un antiquaire parisien en 1939 par le célèbre marchand d’art africain Charles Ratton, qui les signale à Josef Müller. Le fondateur de la collection Barbier-Mueller pensait qu’elles venaient de Vendée, tandis que d’autres les pensaient issues de contrées lointaines bercées par des cultes primitifs oubliés. Jean Dubuffet les baptise Barbus Müller et les expose en 1947 dans le Foyer de l’art brut à Paris. La maison de ventes Tajan propose, mardi 10 octobre, trois de ces œuvres singulières. Elle s’associe à l’écrivain Bruno Montpied, seul chercheur à avoir levé une partie du voile sur l’origine de ces étranges sculptures. Il les attribue, pour au moins douze des quarante pièces aujourd’hui connues, à un artiste autodidacte, Antoine Rabany, dit le « Zouave », paysan, ancien militaire, qui exposait ses créations dans son jardin à Chambon-sur-Lac, en Auvergne. Chose inhabituelle dans cette vente : si deux des Barbus sont des hommes (est. 30 000-50 000 euros), la troisième est une femme, lointaine cousine des Vénus venues de la préhistoire (est. 50 000-80 000 euros).
« Les Barbus Müller », mardi 10 octobre 2023, Tajan, 37, rue des Mathurins, 75008 Paris, www.tajan.com
Écrivains et artistes hors des sentiers battus chez Giquello
Heureux hasard, le lot 128 de la vente consacrée à l’art et la littérature organisée par la maison de ventes Giquello aura pour objet le texte fondateur de l’art brut défini par Jean Dubuffet et dont le premier fascicule est précisément consacré aux… Barbus Müller (Fascicule 1 de L’Art Brut. Les Barbus Müller, Paris, Gallimard, 1947, est. 800-1 200 euros). La vente entraine ensuite le collectionneur sur des sentiers où l’on rencontre des écrivains sulfureux tels qu’Octave Mirbeau et son Jardin des supplices (édition originale dédicacée à son ami Georges Charpentier est. 300-400 euros) ou Georges Bataille (Le bleu du ciel, édition J.J. Pauvert numérotée et dédicacée au critique Patrick Waldberg, est. 400-500 euros) ; un poète maudit, Joe Bousquet, blessé en 1918, resté cloué au lit pendant 32 ans et qui livre, de sa chambre, l’une des œuvres les plus noires et sensuelles du XXe siècle (Le passeur s’est endormi, Paris, Denoël, 1939, est. 400-500 euros). On croise aussi des artistes iconoclastes (Marcel Duchamp et André Breton, Le Surréalisme en 1947, édition Maeght, Pierre à Feu, est. 12 000-15 000 euros) et des photographes insondables (Pierre Molinier et l’un de ses tout premiers photomontages : Le Baphomet, est. 3 000-4 000 euros). Tout un monde !
« Art et littérature du XXe siècle, collections A. L., D. R., J.–J. Pauvert et à divers – livres, autographes et œuvres graphiques », vendredi 13 octobre 2023, Giquello, Hôtel Drouot, 75009 Paris, www.giquelloetassocies.fr
Pierre Molinier, au-delà du genre chez Bonhams
Coïncidence ou non, l’amateur retrouvera cette même semaine Pierre Molinier dans une vacation qui lui est consacrée par la maison de ventes Bonhams Cornette de Saint Cyr. Érotomane, fétichiste, surréaliste, provocateur jusqu’au-boutiste (il fera de sa mort même, un suicide, une composition élégamment mise en scène). De cet artiste hors norme, dont on ne peut dire si sa vie était son art ou si son art était sa vie, Bonhams présente quelque 200 photographies, objets et correspondances issus d’une collection particulière : des photomontages pour la plupart, autoportraits érotiques, surréalistes, aux effluves étranges d’un parfum SM, qui dynamitent les codes de l’identité et de la sexualité. Parmi les lots phares, un ensemble de 45 tirages argentiques illustrant, entre autres, l’attrait de l’artiste pour les poupées (La poupée, est. 2 000-3 000 euros), sa fascination pour les jambes (Jambe-bouquet, vers 1960, est. 2 000-3 000 euros) ou ses probables angoisse avec ce Masque couvrant le visage, version peut être féminine des masques de gueules cassées de la Première Guerre mondiale (est. 2 000-3 000 euros).
« Pierre Molinier : a private collection », mercredi 11 octobre 2023, Bonhams Cornette de Saint Cyr, 6 avenue Hoche, 75008 Paris, www.csc.bonhams.com