Vous avez passé vingt et un an, de 1998 à 2020, à la tête du musée du quai Branly –Jacques Chirac, à Paris. Quel rapport entretenez-vous avec le Parcours des mondes ?
J’ai connu Rick Gadella, le fondateur du Parcours des mondes, dans une vie antérieure, lorsque j’étais conseiller culturel auprès du gouvernement de Monaco. Quand Pierre Moos a repris le Parcours en 2008, je suis devenu également son ami. J’aime tout particulièrement ce Salon qui promet un moment de rencontre privilégié entre les collectionneurs et les professionnels, et est en même temps une extraordinaire université à ciel ouvert.
Mais mon intérêt pour les arts d’Afrique et d’Océanie remonte à l’adolescence. J’ai en effet découvert l’art africain à l’âge de 13 ou 14 ans grâce à un ami de mon père qui traçait des routes pour un garde forestier au Gabon. J’ai encore à côté de moi, dans mon bureau, un petit tabouret en bois qu’il m’a offert. Bien des années plus tard, j’ai fait mon service militaire en Polynésie et j’ai été happé par la culture marquisienne.
Comment êtes-vous devenu collectionneur ?
À vrai dire, je suis un collectionneur dans l’âme. Enfant, je collectionnais les monnaies en bronze d’époque romaine. Étudiant à Sciences Po Paris, je me suis mis à fréquenter les marchands du quartier [le 7e arrondissement]. J’ai ainsi connu Jacques Kerchache et Philippe Ratton en allant « traîner » dans leurs galeries. Je n’avais nul moyen d’acheter quoi que ce soit à ce moment-là, mais aucun ne m’a fait sentir que je n’étais pas à ma place chez eux. Je me suis également lié d’amitié avec Jean-Michel Huguenin et Alain de Monbrison. Au fil des années, le monde des collectionneurs et des marchands est devenu comme ma famille. À ce propos, je me plais à citer cette phrase de Pierre Rosenberg, l’ancien directeur du musée du Louvre : « Je me suis toujours méfié d’un conservateur qui ne soit pas aussi un collectionneur. » Il faut en effet aimer l’art et les objets pour faire ce métier.
Vers quels types d’objets vont vos préférences ?
Depuis une dizaine d’années, mon regard se tourne essentiellement vers l’Asie et notamment vers l’art japonais dans sa version populaire, c’est-à-dire le style mingei. Je prise de même l’art des Philippines pour ses pièces de vannerie d’une beauté exceptionnelle. Mais je n’en oublie pas pour autant les arts d’Afrique et d’Océanie. Mon intérêt se porte principalement sur les ustensiles du quotidien, qui ont été créés hors de toute production artistique. J’affectionne tout particulièrement les peignes et les hameçons océaniens, et les récipients utilitaires comme les bols à kawa des îles Fidji.
J’aime également beaucoup la vannerie africaine, mais aussi les objets « qui ont vécu » comme les tabourets ou les cuillères, ou bien encore les sculptures « chargées » tels les reliquaires Fang du Gabon. Plus généralement, j’ai une passion pour les pièces en bois, car c’est un matériau qui absorbe les huiles et la transpiration, et s’imprègne de l’histoire et de la vie de celles et de ceux qui les ont possédées.