Le San Francisco Museum of Modern Art (SFMOMA) et son proche voisin, le Museum of the African Diaspora (MoAD), créent un poste de conservateur commun afin d’organiser des expositions et des manifestations communes aux deux institutions. Avec le titre de conservateur adjoint de l’art de la diaspora africaine, qui sera renouvelé tous les trois ans, le poste est conçu pour offrir plus d’opportunités aux conservateurs noirs en début de carrière et leur fournir une expérience solide pour les aider à accéder aux rangs des dirigeants de musées.
L’Enquête démographique sur le personnel des musées d’art publiée aux États-Unis en 2022, et financée par la Fondation Mellon, a révélé que les personnes de couleur n’occupent que 27 % des postes de direction à caractère intellectuel, soit à peine 4 % de plus que dans l’enquête datant de 2018. La résurgence du mouvement Black Lives Matter en 2020 a mis en lumière les inégalités raciales systémiques dans les musées américains – et a précipité la démission de Gary Garrels, conservateur en chef de longue date au SFMOMA, après avoir formulé des commentaires polémiques en 2020.
Ce nouveau partenariat est le fruit des démarches conjointes de Monetta White, directrice exécutive et directrice générale du MoAD depuis 2020, et de Christopher Bedford, qui a pris la tête de la SFMoMA en juin 2022 et a commencé à explorer des possibilités de collaboration. Les deux institutions n’ont travaillé ensemble qu’une seule fois auparavant, pour l’exposition « Portraits and Other Likenesses » en 2015, accueillie au MoAD alors que la SFMOMA était fermée pendant ses travaux de rénovation et d’agrandissement bénéficiant d’un budget de 305 millions de dollars.
« Chris et moi partageons un même engagement en faveur de l’augmentation de la visibilité des artistes et des voix insuffisamment reconnues dans le monde des musées », déclare Monetta White, réfléchissant à « la façon dont nous pouvons créer un changement significatif dans le domaine des musées ».
Les deux directeurs de San Francisco ont bénéficié des conseils de la directrice et conservatrice en chef du Studio Museum de Harlem, Thelma Golden, qui a recommandé de créer un nouveau poste au niveau junior et de le considérer « comme un dispositif de recrutement très ciblé », explique Christopher Bedford. Le Studio Museum est depuis longtemps un terrain de formation pour les conservateurs de couleur qui ont gravi les échelons dans le monde des musées, notamment Naomi Beckwith, aujourd’hui directrice adjointe et conservatrice en chef au Solomon R. Guggenheim Museum à New York, et Lauren Haynes, directrice des affaires curatoriales et des programmes au Queens Museum à New York depuis 2022.
Dans son précédent poste de directeur du Baltimore Museum of Art, Christopher Bedford a été à l’avant-garde des efforts déployés par les musées pour diversifier les collections, les expositions, le personnel et les publics. Il attribue à l’artiste Mark Bradford le mérite d’avoir pointé le potentiel de la collaboration avec les institutions historiquement noires, largement délaissées. « Mark a fait remarquer que la prise de conscience demandée par les activistes aux institutions historiquement blanches pourrait être réalisée en développant des partenariats mutuellement bénéfiques avec des musées existants qui font déjà du bon travail », explique Christopher Bedford.
Le SFMOMA, dont le budget annuel de fonctionnement s’élève à plus de 56 millions de dollars, contre 5 millions de dollars pour le MoAD, financera entièrement le salaire du nouveau conservateur adjoint. Ce dernier travaillera avec les équipes de conservation des deux institutions et pilotera les acquisitions d’œuvres d’artistes noirs pour le SFMoMA (le MoAD ne dispose pas de collection). La première personne embauchée, qui devrait être choisie d’ici l’été, développera des projets communs aux deux musées et qui auront pour but d’attirer une partie de l’importante fréquentation du SFMOMA vers le MoAD, grâce à des billets communs.
« Nous espérons que ce partenariat incitera les personnes qui ne sont jamais allées au MoAD à venir », déclare Monetta White. Son institution attire chaque année 40 000 visiteurs, à comparer aux 575 000 entrées du SFMOMA. En retour, les liens étroits qu’entretient le MoAD avec les communautés de la diaspora africaine contribueront à soutenir les ambitions du SFMoMA à étendre son spectre.
« Un musée comme le MoAD possède cette expertise et le SFMoMA n’a pas la même connaissance et expérience dans ce domaine, explique Pamela Joyner, administratrice du SFMOMA et collectionneuse d’art afro-américain. Le prestige de la SFMoMA apporte tout son poids. Il a toujours été logique de mettre les ressources en commun, et non de les dupliquer ».
Selon Christopher Bedford, « la différence d’objectif, d’histoire et d’échelle est exactement ce qui rend ce partenariat fascinant ».
Pamela Joyner pense que ce nouveau modèle de collaboration pourrait être répliqué dans de nombreuses villes. « J’espère que cette équipe finira par définir les règles pour ce type de partenariat », dit-elle.
Le 23 février 2023, le Philadelphia Museum of Art a annoncé la création d’un nouveau centre consacré à l’étude, à la conservation, à l’exposition et à l’acquisition d’œuvres d’art de la diaspora africaine et d’Afrique.