Dans un monde qui sera de plus en plus dans l’obligation de délaisser les hydrocarbures pour des raisons écologiques évidentes, lutter contre le réchauffement climatique, les pétromonarchies du golfe Persique ont entrepris depuis quelques années d’adapter leur économie à ces nouveaux contextes. Comme l’affirme Cheikha Hoor al Qasini, commissaire de la Biennale de Sharjah 2023 qui s’est ouverte dans cet émirat la semaine passée, la culture sera essentielle pour construire ce futur, pour les populations locales bien sûr, mais aussi pour développer le tourisme. Sharjah a été pionnière dans la région en lançant dès 1993 sa biennale d’art contemporain, qui fête donc cette année ses 30 ans avec une 15e édition particulièrement riche. Plus au sud dans le pays, Abu Dhabi a d’abord choisi d’ouvrir un musée universel – le seul dans le monde arabe – en sollicitant l’un des plus emblématiques dans le monde et l’expertise française. Situé sur l’île de Saadiyat, le Louvre Abu Dhabi a fêté en novembre 2022 ses cinq ans et l’institution dirigée par Manuel Rabaté apparaît déjà, malgré les polémiques qui ont accompagné sa naissance, comme une réussite. Elle l’est d’une part sur le plan architectural, avec l’un des plus beaux bâtiments dessinés par Jean Nouvel. Elle l’est ensuite d’un point de vue artistique avec un parcours chronologique pensé par Souraya Noujaim qui tisse un intelligent dialogue entre les civilisations sans créer de hiérarchie, construit autour des nombreuses acquisitions réalisées pour constituer la collection du musée émirati et de prêts judicieux consentis presque exclusivement par des institutions françaises. Elle l’est enfin par le succès public, à en juger par le nombre des visiteurs présents dans les salles le jour de notre visite, mais aussi par la mosaïque de langues que l’on pouvait y entendre. Il faudra encore attendre jusqu’en 2025 – au moins, vu l’état du chantier – pour que ne s’ouvre à proximité l’institution davantage centrée sur l’art contemporain, le Guggenheim Abu Dhabi de Frank Gehry. Sur l’île devrait aussi ouvrir la même année le musée national Zayed de Norman Foster, alors que la Abrahamic Family House de David Adjaye sera inaugurée dans quelques semaines. L’objectif de ces vastes projets est aussi pour les Émirats arabes unis d’apparaître plus ouverts sur la communauté internationale et de changer d’image. Le Qatar s’est déjà engagé dans cette voie avec une vaste politique muséale et de commandes publiques. Le voisin saoudien l’a aussi bien compris en lançant de multiples événements culturels de part et d’autre du pays, de Riyad à Djeddah en passant par la région d’AlUla. Ici aussi, le savoir-faire français est sollicité, avec l’Agence Afalula présidée par Gérard Mestrallet, ancien PDG d’Engie, tandis que le Centre Pompidou s’apprête à s’engager dans la gestion d’un espace d’exposition sur ce site hautement patrimonial. Un pôle culturel majeur est en train de se bâtir dans le golfe Persique.
Les pays du golfe Persique étoffent encore leur offre culturelle
13 février 2023
L'éditorial de la semaine
La semaine de l'art vue par le directeur de la rédaction de The Art Newspaper France.