La Biennale de Sharjah fête cette année ses 30 ans. Pour cette 15e édition, la manifestation propose un très riche programme en réunissant plus de cent cinquante artistes. Elle se déploie dans un grand nombre de lieux et de villes, depuis Sharjah jusqu’à Al Dhaid dans le désert, jusqu’aux villes côtières de l’océan Indien Khorfakkan et Kalba. Dans cette dernière vient tout juste d’être aménagé un nouveau centre d’art, la Ice Factory, une ancienne usine à glace destinée à la conservation de la pêche totalement transformée par l’agence péruvienne 51-1 Arquitectos. Le lieu propose, outre des ateliers et des résidences pour des artistes dans un bâtiment adjacent, un restaurant-café, mais aussi de très vastes espaces d’exposition, 2 000 m2 avec de belles hauteurs sous plafond.
C’est dans l’une des salles de la Ice Factory qu’est présentée l’une des œuvres primées par la Sharjah Art Foundation pour cette édition de la biennale, la saisissante sculpture Uprooted (2023) de Doris Salcedo, une métaphore de l’immigration. Ce thème – et plus globalement la question postcoloniale – est d’ailleurs au centre du propos de la manifestation conçue à l’origine par le commissaire Okwui Enwezor. L’exposition a été complétée après la disparition de l’Américano-nigérian en 2019 par la directrice de la Sharjah Art Foundation, Hoor Al Qasimi, présentant en particulier soixante-dix nouvelles œuvres réunies sous le titre « Thinking Historically in the Present » (Penser historiquement le présent).
Parmi les autres artistes primés, la Franco-marocaine Bouchra Khalili a reçu un prix pour son installation The Circle (2023), comprenant un film projeté sur deux écrans, une commande spéciale de la Sharjah Art Foundation, du MACBA de Barcelone et de la Fondation LUMA à Arles. Dans son œuvre, l’artiste revient sur la condition des ouvriers immigrés en France dans les années 1970 et sur le Mouvement des travailleurs arabes.
Hajra Waheed, basée à Montréal, a aussi reçu un prix pour Hum II (2023). Cette œuvre sonore, présentée dans un gigantesque cône construit spécialement, est constituée de fredonnements et d’autres pratiques vocales « comme moyen d’envisager des formes radicales d’expressions collectives et sonores ». Selon l’artiste, cette pièce s’appuie sur sept chansons qui ont été au cœur de soulèvements populaires, de mouvements sociaux de masse et de luttes anticoloniaux dans les Amériques, en Afrique et en Asie. Bouchra Khalili et Hajra Waheed sont toutes deux représentées par la galerie mor charpentier à Paris.
De leurs côtés, Lee Kai Chung, Tania El Khoury, Gabriela Golder, Amar Kanwar, Ibrahim Mahama, Joiri Minaya et Varunika Saraf ont reçu des mentions spéciales. Les lauréats ont été choisis par un jury composé cette année de Solange Farkas (curatrice et directrice de Videobrasil Cultural Association), Salwa Mikdadi (professeur d’histoire de l’art et directeur du Centre arabe d’étude de l’art, NYU, à Abou Dhabi) et Elvira Dyangani Ose (directrice du Museu d’Art Contemporani de Barcelona - MACBA).
La 15e Biennale de Sharjah, qui réunit au total plus de trois cents œuvres dans dix-huit lieux, a été inaugurée le 7 février et se poursuit jusqu’au 11 juin 2023.
Jusqu’au 11 juin 2023, 15e Biennale de Sharjah, divers lieux, Émirat de Sharjah, Émirats arabes unis