À l’heure où nombre de pays traversent fracas et chaos, les musées apparaissent plus que jamais comme des sentinelles et des laboratoires où il fait bon conserver, dialoguer, stimuler et créer. Pensé, dès sa création en 1987, comme un lieu ouvert sur le monde et ses interrogations à travers sa programmation d’expositions alternant dimension patrimoniale (telle celle consacrée actuellement aux richesses d’Ouzbékistan) et mutations sociétales (il faut aller voir « Habibi, les révolutions de l’amour » !), l’Institut du monde arabe poursuit ainsi sa mue culturelle et se rêve en plateforme de réflexion et en vitrine de l’effervescence créatrice arabe. Riche de son expérience à la tête du Musée des Beaux-Arts de Montréal (où elle sut séduire nombre de mécènes et conçut des expositions mémorables bousculant les grilles de lecture occidentales et décentrant le regard), Nathalie Bondil a la lourde charge de repenser tout le parcours du futur musée qui devrait voir le jour fin 2025-début 2026.
Il est vrai que les collections se sont considérablement enrichies grâce à l’extrême générosité du couple franco-libanais Claude et France Lemand, qui a offert en 2018 quelque 1 300 œuvres à l’institution. « Je me suis appuyée sur la force même de la collection, qui est absolument remarquable grâce aux acquisitions faites par l’IMA dans les années 1980 à l’instigation de Brahim Alaoui, et qui a été considérablement enrichie par la donation Lemand, explique Nathalie Bondil. Mon dessein est d’utiliser les œuvres comme des fenêtres qui ouvrent sur les mondes arabes dans leur diversité, car ces derniers se sont approprié avec fierté leurs propres cultures, leurs propres traditions. Il n’est bien évidemment pas question de concurrencer d’autres collections d’art islamique comme celles du Louvre, mais bien plutôt de créer des dialogues transhistoriques. Bien sûr, l’art arabe n’est pas univoque, il est transnational et dépasse largement ses limites géographiques. Ce parcours permettra ainsi d’explorer d’autres pistes en convoquant le passé pour éclairer la création contemporaine. L’art arabe pas une scène abâtardie de son pendant européen, mais une nouvelle qui invente ses propres règles plastiques ».
Grâce à la subvention de 6 millions d’euros allouée par le ministère de la Culture, c’est ainsi 2 400 m2 d’exposition qui seront déployés dans ce nouveau parcours embrassant des thèmes aussi variés que les voies caravanières, la culture des autochtones, la calligraphie, en écho aux interrogations des plasticiens du monde contemporain. Loin des enfermements idéologiques et des cloisonnements sociétaux…