Guillaume Leblon : Pataquès
Guillaume Leblon qualifie son œuvre d’hétérogène, on la dit aussi protéiforme. L’étrangeté (souvent inquiétante), la diversité des formes et des inspirations sont un peu la marque de l’artiste, et « Pataquès » ne fait pas exception. Les œuvres belles et singulières sont présentées sur des rouleaux de moquette déployés à l’endroit ou à l’envers qui en un sens les isolent et, en un autre, les rattachent à un monde très ordinaire. Elles partagent des thèmes (le vêtement pour le corps, le mémorial) ou des sources iconographiques. Ainsi, une Nageuse au repos, stylisée mais presque réaliste n’était sa peau de sable, rejoint des céramiques peintes grossièrement modelées (Grand Chariot) par une commune référence à l’antiquité égyptienne.
Une doudoune en fonte d’aluminium peinte qui a son double dans « Parade » (la rétrospective qui se tient en même temps au Palais de Tokyo), fait ainsi lien entre les deux expositions mais aussi question. À l’origine une « image persistante des corps à Harlem, enfermés dans leur doudoune et leur addiction aux opioïdes ». Le pourquoi (témoignage ? hantise ? ) de ce comment (un objet aux couleurs chatoyantes) demeure à élucider, à moins que ce peignoir suspendu à une colonne (Portrait Nu), tout aussi chatoyant, n’apporte déjà un élément de réponse.
Du 19 novembre 2022 au 4 février 2023, Galerie Nathalie Obadia, 3, rue du Cloître Saint-Merri, 75004 Paris
Claire Fontaine : Mostly Sunny
Claire Fontaine est un nom qu’on associe à des ready-made et à des phrases bien choisies, généralement en néon. Cette nouvelle exposition présente essentiellement des tableaux. Une façon de prendre acte de cette bonne santé de la peinture, déjà lieu commun ? Les tableaux ici relèvent de différents registres, certains qui semblent d’une honnête et banale abstraction (mais chargés d’intentions par leurs titres : Lockdown Party, Lawmakers & Lawbreakers), d’autres qui relèvent d’un usage très libre des sources visuelles : une carte de Paris où figure l’évolution des prix au mètre carré par arrondissement, ou bien encore la célèbre image de 1968 du poing qui surgit d’une cheminée, ici dans un paysage incandescent. Le sol est entièrement couvert de pages de journaux, comme un rappel de l’arte povera, avec, déposés çà et là, de faux citrons (Migrants) dont on peut faire une lecture allégorique. Du grave (particulièrement dans les textes), de l’ironie, à l’évidence, mais aussi une mélancolie que l’on pourrait dire « debordienne ».
Du 16 octobre au 17 décembre 2022, Air de Paris, 43 rue de la Commune de Paris, 93230 Romainville
Gary Hill : Mind’s Eye Blink(s)
Dix ans, sauf erreur, que Gary Hill n’avait pas exposé à Paris. Il revient avec une exposition particulièrement dense, et qui semble comme un retour aux sources de l’art de Gary Hill, un curieux croisement de simplicité (vidéo performances en style direct, techniques plutôt légères) et de complexité (calculs, superpositions de sons ou de mots). Dans une vidéo, il joue très longuement à pile ou face en récupérant la pièce sur le dos de la main. Dans une autre, on le voit réciter un texte abstrait avec des effets de feedback, et imiter les trois singes de la sagesse. Clignotements, déphasages, interruptions, c’est perturbant et insaisissable mais toujours fascinant.
À ces vidéos et à différentes installations dont une de 1996 qui offre un intéressant point de référence, s’ajoute une série de dessins à partir des pronoms personnels. Sectionnés, superposés d’après un calcul booléen, les she, he, they génèrent des identités nouvelles et imprononçables qui reflètent la complexité de la question du genre.
Du 6 novembre au 23 décembre 2022, Galerie In Situ fabienne leclerc, 43 rue de la Commune de Paris, 93230 Romainville
Ad Minoliti : Warm Hole & Hot Tea
L’art d’Ad Minoliti est déclaré féministe et queer. Cela se traduit par une abstraction qui croise le géométrique et l’organique, ne craint surtout pas le décoratif, et s’inspire notamment de courants picturaux historiques féminins d’Argentine, son pays.
Cette nouvelle exposition en deux lieux prend pour sujet l’enfance. On y voit des murs peints représentant des intérieurs, à mi-chemin d’un décor moderniste et de l’illustration pour la jeunesse. Sur ces murs, comme en un jeu d’assemblage, des tableaux bien dans la manière de l’artiste et d’autres hétéroclites, proches du collage, avec chatons trop mignons et théières aux visages radieux. L’idéal de beauté, l’utopie d’un modernisme qui a voulu changer les murs pour changer la ville, se mêle à une vision de l’enfance venue des mangas ou d’illustrations plus conventionnelles. Une exposition pour petites et grandes personnes qui initie les un.e.s et fait s’interroger les autres tant sur la formation des identités que sur celle du goût.
Du 24 novembre 2022 au 14 janvier 2023, Galerie Crèvecœur, 9 rue des Cascades, 75020 Paris et 5 & 7 rue de Beaune, 75007 Paris