On savait les études gréco-latines en perte de vitesse, mais de là à ce que les musées, ces gardiens du temple de la haute culture, prennent le parti d’abandonner les chiffres romains, il y a quand même un abîme que l’on n’imaginait pas qu’il puisse être franchi de sitôt. Bienvenue dans un monde où Louis 13 est monté sur le trône à la mort de son père Henri 4 ! Écrits de cette façon, les rois de France apparaissent comme de vulgaires noms d’automobiles ou de produits de la vie courante nés de l’imagination d’as du marketing. Certains articles ont même fait le chemin inverse pour s’affubler de chiffres romains, comme l’un des modèles récents d’une célèbre marque de téléphones haut de gamme, sans que ses clients ne saisissent toujours que le « X » en question n’était pas employé en tant que simple vingt-quatrième lettre de l’alphabet comme le fait depuis longtemps l’industrie cinématographique. Ce basculement est, de plus, le fait d’importants musées, en particulier le Louvre, qui a décidé d’utiliser les chiffres arabes dans certains de ses cartels. Tel sera aussi le choix à sa réouverture, reportée en raison de la pandémie de Covid-19, de Carnavalet. Le musée d’histoire de la Ville de Paris a suscité un véritable tollé suite à des visites en avant-premières et à la lecture de quelques cartels. Depuis, l’institution a expliqué sa démarche : les chiffres romains n’ont pas été abandonnés pour nommer par exemple Louis XIV, à l’exception d’un parcours qui se veut plus « accessible ». Sur les trois milles textes présents dans les salles du musée, seuls cent soixante-dix utilisent donc les chiffres arabes, selon l’institution. Ce choix est cependant curieux de la part d’un lieu censé « éduquer » les visiteurs. N’eut-il pas été plus opportun de présenter en préambule un tableau expliquant les correspondances entre chiffres romains et arabes ? Le musée aurait davantage été dans son rôle il nous semble.
Ils sont fous, ces (chiffres) romains !
21 mars 2021