Comment vivez-vous personnellement ce confinement ?
Comme tous les citoyens, je suis actuellement confiné dans mon appartement à Paris et en télétravail depuis mardi, après avoir visité nos bureaux à l’Arsenal et le Grand Palais pour m’assurer personnellement des conditions de travail des quelques salariés qui doivent être sur place. Je mène une réunion par jour avec l’ensemble du comité de direction en visioconférence.
Je mets également à profit ce moment pour réfléchir – j’échange beaucoup avec mes collègues à Paris et ailleurs, à propos du futur lointain des expositions et des événements. La vie et la vie culturelle vont évoluer après cette période, toutes les normes seront questionnées, de nouveaux thèmes émergeront, de nouveaux formats, intelligents et nécessaires. J’ai pu en discuter avec Rem Koolhaas vendredi – son exposition « Countryside, The Future » a dû fermer au Guggenheim à New York – qui souhaite ajouter un chapitre à son œuvre qui examine comment l’autorité, la gestion, les conditions de vie telles qu’on les connaît dans les grandes villes sont devenues, d’un seul coup, obsolètes. Mais quelle alternative maintenant que la countryside est aussi « infectée » que la ville ? Des événements comme « ChangeNOW », qui a eu lieu cette année pour la première fois au Grand Palais, est un bon exemple de ce que nous développerons à l’avenir au Grand Palais : aborder de nouvelles questions, enclencher de nouveaux dialogues.
Je mets également à profit cette période pour dévorer les commentaires récents et sévères de Naomi Klein, de même que les messages intelligents de l’illustratrice Kera Till, et je relis l’essai de Susan Sontag paru en 1986 dans le New Yorker, The way we live now, qui n’a rien perdu de son actualité. Car après cette crise, toutes les formes de communication vont changer.
APRÈS CETTE PÉRIODE, TOUTES LES NORMES SERONT QUESTIONNÉES, DE NOUVEAUX THÈMES ÉMERGERONT
Comment votre institution s’est-elle organisée ?
Nous nous sommes très rapidement organisés afin d’anticiper et de gérer au mieux cette crise. Dès le 2 mars, une réunion du comité de direction a été organisée chaque jour afin de faire le point sur la situation et le suivi des actions. Depuis le confinement, la réunion de crise est maintenue à distance, en visioconférence, de même que toutes les autres réunions permettant à l’activité et aux projets de l’établissement de se poursuivre. Notre préoccupation première est la santé de nos salariés, le respect des consignes, la mise à disposition d’outils facilitant le télétravail et l’écoute indispensable. Le maintien d’une relation permanente, de confiance, avec l’ensemble des managers et l’ensemble des salariés est clé dans une période comme celle que nous traversons, et je m’emploie personnellement, accompagné de mon comité de direction, à maintenir ce lien. Je dois souligner à quel point la solidarité, le professionnalisme et l’engagement au quotidien de l’ensemble des salariés de la Rmn-Grand Palais sont exemplaires, dans ce contexte où la vie personnelle, le soin que l’on doit apporter à ses proches, ses parents,ses enfants, sont particulièrement importants.
Sur quels projets travaillez-vous pendant cette période ?
Aucun projet n’a été mis en sommeil. Les expositions qui devaient ouvrir dans les jours et semaines qui viennent au Grand Palais et au Musée du Luxembourg verront leurs dates d’ouverture reportées. Cinq expositions doivent également ouvrir en dehors de Paris et avant l’été. Nous analyserons chaque situation individuellement le temps venu, afin de prendre les bonnes décisions – réalistes et tenables. Si les boutiques physiques que nous gérons dans les musées sont bien entendu fermées, notre e-shop boutiquesdemusees.fr fonctionne toujours. Les équipes du Grand Palais travaillent de leur côté de manière intense avec les grands partenaires, organisateurs d’événements dans la Nef, afin de trouver les meilleures solutions de report, pour éviter autant qu'il se peut les annulations. Nous avons également un programme d’édition pour ce printemps d’une quinzaine d’ouvrages. Là encore il y aura des reports, ne serait-ce que parce que les imprimeries sont le plus souvent fermées, mais nous avançons au maximum.
JE DOIS SOULIGNER LA SOLIDARITÉ, LE PROFESSIONNALISME ET L’ENGAGEMENT AU QUOTIDIEN DE L’ENSEMBLE DES SALARIÉS DE LA RMN-GRAND PALAIS
Nous devons tous constater que gérer une entreprise en télétravail prend beaucoup plus de temps que travailler physiquement ensemble. Mais restons optimistes : je suis certain que cette crise apportera aussi du positif. Elle permettra d’évaluer les marges de progression et nous aidera à construire des méthodologies de travail nouvelles pour le futur.
Quels dispositifs avez-vous ou allez-vous mettre en place pour rester en contact avec le public ?
Dans le cadre de l’excellente initiative du ministère de la Culture, le « Culture chez Nous », le Grand Palais reste en lien avec son public en proposant chaque jour des activités et contenus en ligne, élaborés grâce à la stratégie très proactive que nous menons dans ce domaine depuis de nombreuses années. Le Grand Palais garde avec cette action toute son ambition : permettre la rencontre du plus grand nombre avec l’art de toutes les cultures, de toutes les époques, et sous toutes ses formes.
Ce seront des jeux et quiz pour se divertir, les podcasts de nos conférences et débats diffusés sur Soundcloud, nos séries vidéo YouTube, à l’image de celle qui déconstruit les clichés de l’art. Et bien entendu nos MOOC : celui sur la couleur qui vient d’être mis en ligne mais aussi « la brève histoire de l’art » et « la brève histoire de la photographie ». Nous mettrons également en ligne à partir de [demain] 25 mars, en avant-première, certains des contenus de l’exposition Pompéi que nous coproduisons avec la société Gédéon.