Pour le Genevois qui prend régulièrement le train pour Lausanne, c’est à chaque fois une source d’étonnement. On veut parler de l’avancée du chantier du futur musée cantonal des Beaux-Arts, qu’il peut observer depuis son wagon. Et dont les murs s’élèvent à une vitesse déconcertante aux yeux de qui le projet de musée d’Art et d’Histoire vieux de vingt ans est une histoire désormais quasiment enterrée.
Dessiné par le bureau espagnol Barozzi Veiga, le bâtiment doit être inauguré en octobre 2019. Il appartient à Plateforme 10, vaste ensemble muséal situé à deux pas de la gare qui regroupera au même endroit le musée de Design et d’Arts appliqués contemporains (Mudac) et celui de l’Élysée dédié à la photographie. Mais ces deux derniers dans un bâtiment distinct, qui tiendra compte des différents apports lumineux nécessaires à une institution exposant des objets et à l’autre présentant des œuvres sur papier sensible.
Le 5 octobre dernier, les autorités vaudoises posaient la première pierre de cet édifice que les architectes portugais Aires Mateus livreront en 2021. Lequel parachèvera le quartier des arts de Lausanne, où trônera le monumental Crocodile d’Olivier Mosset et Xavier Veilhan, interprétation minimaliste du modèle de locomotive typique des chemins de fer helvétiques. Chantal Prod’Hom, directrice du Mudac, échangera alors les salles étroites de son musée installé dans une bâtisse du XVIIe siècle contre un immense plateau muséographique. Elle nous explique ce programme.
En quoi le projet Plateforme 10 est-il important pour Lausanne et sa région?
Il ne s’agit pas seulement de trois musées qui déménagent, mais bien de la création d’un nouveau quartier des arts, composé de deux majestueux bâtiments et de vastes espaces ouverts au public en permanence. On parle de 25000 m2 dévolus à la culture, en plein centre-ville, à côté d’une gare très active et qui le deviendra encore plus. Cette immédiate proximité est d’ailleurs un élément déterminant et identitaire de notre projet dont le nom, Plateforme 10, signifie que nous représentons la dixième voie de la gare de Lausanne qui en compte neuf.
Comment ce quartier des arts a-t-il été pensé en termes d’animation et d’accueil du public ?
Nous travaillons activement avec la Ville de Lausanne, les architectes, les services de l’État et de nombreux spécialistes sur toutes les questions liées à l’espace public. Des activités telles que bars, restaurants, galeries, espaces d’accueil et de rencontre et concept stores culturels sont à l’étude. Des groupes de travail ont été formés depuis de nombreux mois pour explorer toutes les pistes de discussion par le biais d’une consultation et d’une expertise externe. Notre objectif est, depuis le début, de créer un lieu ouvert et convivial, un lieu de culture et de vie, de contemplation, d’apprentissage, de partage et de plaisir. Un endroit susceptible d’attirer un public de curieux, de connaisseurs mais aussi le simple passant ou le voyageur en attente du train suivant.
Notre objectif est, depuis le début, de créer un lieu ouvert et convivial, un lieu de culture et de vie, de contemplation, d’apprentissage, de partage et de plaisir.
Et d’un point de vue davantage urbanistique?
De la gare au pont Marc-Dufour, Plateforme 10 va instaurer un axe de mobilité douce qui changera immanquablement les habitudes des lausannois. Lesquels pourront profiter d’un lieu de passage et de déambulation, une denrée rare à Lausanne.
En tant que directrice du Mudac, vous allez emménager dans un tout nouveau bâtiment. Qu’est-ce que cela changera pour vous et le musée ?
Je souhaite qu’il garde son identité de programmation. Le Mudac interroge les pratiques du design contemporain sous toutes ses formes. Cette approche le caractérise, et l’intérêt porté à la dimension ethnographique des fonctionnements de nos sociétés actuelles restera un de ses axes forts. D’un point de vue plus pratique et logistique, les vingt années que le musée a passées dans sa très belle maison du XVIIe siècle à côté de la cathédrale ont montré les limites de l’exercice.
Dans quel sens ?
Disons qu’il est difficile de présenter des objets – parfois de grande dimension – à l’intérieur d’un site historique qui n’a ni monte-charge, ni quai de déchargement, ni dépôt. Et où les portes mesurent 80 cm de large. Le futur bâtiment d’Aires Mateus résout toutes ces questions de manière extrêmement pratique et naturelle. De plus, le fait de disposer d’un plateau de 1500 m2 totalement modulable et sans mur porteur au centre des espaces nous offrira toutes les configurations scénographiques dont nous pouvons rêver.
Physiquement, le Mudac se trouvera au-dessus de l’Élysée. Les deux musées seront également voisins de celui des Beaux-Arts. Envisagez-vous déjà d’éventuelles collaborations entre les trois institutions ?
Bien sûr, cette proximité et cette transdisciplinarité sont un atout majeur pour l’ensemble du projet. Les échanges avec la photographie et les beaux-arts ouvriront encore davantage le champ des possibles, ce qui est très réjouissant. Nos identités fortes et individuelles nous permettent des collaborations. Nous souhaitons proposer aux visiteurs cette diversité de points de vue. Les équipes des trois musées travaillent déjà activement sur une exposition commune qui marquera l’achève-ment de l’ensemble Plateforme 10, en octobre 2021, lors de l’inauguration du second bâtiment. Nous avons d’ores et déjà imaginé poursuivre ces collaborations à trois sur des thèmes que nous partagerons ou sur des artistes/ photographes/designers qui pratiquent la transversalité.