Créé en 2015 par Delphine Dumont, la directrice du Hangar Art, sur lequel s’appuie la manifestation, le PhotoBrussels Festival se veut avant tout fédérateur. Il réunit, le temps de quelques semaines et sous une même bannière, une cinquantaine de lieux et autant d’initiatives permettant de mettre en exergue le paysage photographique tant national qu’international. S’y retrouve le réseau bruxellois spécifiquement dédié à la photographie, comme la Fondation A et Contretype ; des enseignes telles que box galerie, Stieglitz 19 ou Studio Baxton ; ainsi que l’Atelier Contraste, L’Enfant Sauvage et La Nombreuse. D’autres lieux orientent pour la circonstance leur programmation. C’est le cas du WIELS, de l’ISELP (Institut supérieur pour l’étude du langage plastique), de Cloud Seven, de même que de plusieurs galeries tant belges (Archiraar, Hopstreet, Lee-Bauwens, Schönfeld, Michèle Schoonjans, V/MSP, etc.) que françaises : Christophe Gaillard, Eric Mouchet, Frédérick Mouraux, Modesti Perdriolle ou encore La Forest Divonne, sans oublier des plateformes alternatives, comme Plagiarama et Eleven Steens, qui structurent la scène bruxelloise.
Parmi les points forts du Festival, il faut retenir : la reprise de l’exposition du BAL, à Paris, « À partir d’Elle. Des artistes et leur mère » à la Fondation A ; un hommage aux photojournalistes de Gaza au Centre du photojournalisme Géopolis ; une collection privée comprenant des clichés de Guillaume Lemarchal (prix HSBC pour la photographie en 2008) à Eleven Steens ; « A Public Affair » à Cloud Seven ; Thomas Chable, Serge Clément et Jean-Claude Palisse (représentés par la galerie lyonnaise Le Réverbère, qui a fermé ses portes en décembre 2024) proposant leurs « Regards croisés » au Studio Baxton.
À noter, pour ce qui concerne les expositions personnelles : Mark Steinmetz à la box galerie ; François Bellabas à Contretype ; Pierre Molinier et le surréalisme chez Christophe Gaillard ; Mostafa Saifi Rahmouni à l’ISELP ; le duo formé par Denis Brihat (décédé en décembre 2024) et Danielle Kwaaitaal chez Michèle Schoonjans ; Joël Denot chez Modesti Perdriolle ; Vincent Fournier à Spazio Nobile ; la série Napoli d’Anders Petersen à Stieglitz 19 ; Francesco Del Conte à V/MSP ; ainsi qu’une vaste présentation de l’« arte de conducta » (art comportemental) de l’artiste brésilien Paulo Nazareth au WIELS.
Plus qu’ailleurs, le PhotoBrussels Festival relève un défi majeur dans la capitale belge et répond à une évidente demande du public, car la ville ne dispose ni d’institutions ni de lieux officiels dévolus au médium. Le marché y est très faible et ne bénéficie d’aucune foire, alors qu’il s’en tient pour le dessin (Art on Paper à l’automne), la céramique (Ceramic Brussels en janvier) et le design (Collectible en mars).
Hangar Photo Center
Organisée par le Hangar Art et l’historien de la photographie Michel Poivert, « AImagine. Photography and generative images », l’exposition phare du PhotoBrussels Festival, s’intéresse à la question, ô combien d’actualité, de l’intelligence artificielle (IA), sur la fabrication des images au sens large. Les artistes invités ont pour point commun d’explorer les frontières de la photographie déplacées par l’IA. Cette technologie, un tournant dans notre époque, rend plus que jamais possible un art hybride, bien qu’une troisième voie virtuelle entre fiction et réalité demeure hypothétique. La réalité reste néanmoins tangible, car, comme le précise Michel Poivert, « l’aspect photoréaliste des images rappelle que la production de données visuelles se nourrit des photographies stockées dans des mémoires numériques. Même s’ils ne font plus de prises de vues, les photographes peuvent toujours créer à partir des entités contenues en réserve ».
C’est notamment le cas des Français Brodbeck & de Barbuat qui, avec leur série Une histoire parallèle, explore l’impact de ces outils modernes de création sur la photographie, de manière à souligner leur capacité à façonner l’histoire visuelle et à influencer notre perception du réel. Après avoir sélectionné 250 clichés représentatifs de l’histoire du médium, le duo les a transcrits en prompts (requêtes) à destination de l’IA. L’algorithme a généré des propositions s’approchant des épreuves originales tout en comportant des erreurs. Les artistes ont conservé celles-ci, constituant de la sorte une histoire parallèle qui pose la question de notre mémoire classique des images. Selon Michel Poivert, ces « algorithmes régénératifs permettent d’explorer notre imaginaire, puisqu’en utilisant les données des espaces latents, ils révèlent les contenus de notre mémoire visuelle, comme s’ils allaient photographier dans notre mémoire collective ».
Les œuvres des dix-huit artistes programmés convoquent une série de concepts inédits : par exemple, l’imaginaire d’anticipation, une réécriture de l’histoire à partir de la modification du passé (uchronie), avec, pour conséquence, une nouvelle approche de l’archive et, in fine, la prescription possible d’une identité non conventionnelle de la photographie : « N’a-t-elle jamais été l’art du réel que l’on a cru ? »
Hangar Gallery
Plusieurs photographes qui ont participé à des expositions collectives au Hangar Photo Center ayant souhaité que celui-ci suive leur carrière, Delphine Dumont a décidé de transformer une partie du deuxième étage en galerie. L’initiative a démarré en force, puisque la Hangar Gallery était présente à Paris Photo et au Salon a ppr oc he, qui se tenaient dans la capitale française à l’automne 2024. La programmation de l’espace a été inaugurée par l’exposition « Apparitions » (en novembre-décembre 2024), qui rassemblait neuf artistes, lesquels exploraient les limites du médium en s’intéressant de près à la matérialité de l’image. La première exposition individuelle est quant à elle consacrée à la Brésilienne Claudia Jaguaribe, laquelle figure également dans la manifestation sur l’IA.
L’ouverture de cet espace de vente au sein de l’institution privée qu’est le Hangar change la donne dans l’élaboration de son calendrier. Les grandes présentations collectives ou personnelles (comme celle, remarquable, dédiée à Stephan Vanfleteren de septembre à décembre 2024) voient leur durée prolongée (entre trois et cinq mois) – il y en aura donc moins, tant pour des questions de budget que d’organisation –, alors que celles de la galerie ne dépasseront pas six semaines. Cette programmation à temporalités différenciées permet, outre le renouvellement du flux de visiteurs, de créer des ponts entre deux modes de fonctionnement qui se veulent complémentaires.
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2e PhotoBrussels Festival, 23 janvier-23 février 2025, divers lieux, Bruxelles, photobrusselsfestival.com
« AImagine. Photography and generative images », 24 janvier - 15 juin 2025, Hangar Photo Center, et « Claudia Jaguaribe. Vivarium », 24 janvier-9 mars 2025, Hangar Gallery, place du Châtelain 18, 1050 Bruxelles, hangar.art