Placé sous le signe de l’occultisme, Les Magiciennes. Surréalisme et alchimie au féminin réunit dix-neuf textes, dont dix inédits en français, écrits par trois figures importantes du mouvement : Leonora Carrington (1917-2011), Ithell Colquhoun (1906-1988) et Remedios Varo (1908-1963).
Certains surréalistes se sont intéressés dès les années 1920 aux sciences occultes (alchimie, astrologie et divination, magie, médecine) comme moyen stimulant d’accéder à une dimension cachée du monde. Ils y trouvent, note Marie Sarré, « la voie d’une réconciliation de la connaissance et de l’intuition, de la science et de la poésie ».
Parmi ces surréalistes, plusieurs femmes pour qui, remarque la préfacière sans toutefois préciser sa pensée, « l’hermétisme apparaît comme un espace d’émancipation ». Ainsi Leonora Carrington, Ithell Colquhoun et Remedios Varo se passionnent-elles pour les sciences occultes qui occupent également une place centrale dans leur œuvre plastique – dont l’exposition au Centre Pompidou, à Paris, permet de découvrir quelques beaux exemples. Toutes trois auteures de nombreux textes, elles transforment leur pensée magique en poème, conte, roman et fable.
Des plumes saisissantes
Si, en France, les écrits de Leonora Carrington, au bestiaire fantastique en partie inspiré de Lewis Carroll, ont fait l’objet ces dernières années de plusieurs traductions aux éditions Fage, ceux d’Ithell Colquhoun et de Remedios Varo sont restés très confidentiels. Les textes d’Ithell Colquhoun, laquelle intègre le groupe surréaliste anglais à la fin des années 1930, reflètent sa maîtrise de l’alchimie qu’elle exerce activement. Ils frappent par leur capacité à faire surgir des images aussi saisissantes qu’obscures : « Là où dans une calcination tranquille / L’antinomie résolue / Escarboucle et émeraude / Fusionnent jusqu’à ne faire qu’un / Soleil et lune dans l’opale perdent / Et conservent leur identité ». Quant à la prose de Remedios Varo, proche amie de Leonora Carrington et exilée comme elle au Mexique – ensemble, elles « pratiquent la peinture en alchimiste », selon Marie Sarré –, elle se distingue par un sens aigu de la parodie. Son texte De Homo Rodans se présente comme un pastiche de manuscrit alchimique, teinté d’une critique aux accents féministes, non dénuée d’humour : « La tendance qui a d’abord prévalu consistait à préférer de façon massive le durcissement. [...] Les éléments qui durcissent deviennent chaque jour plus prestigieux : muscles d’acier, caractères inflexibles, tentatives pour contraindre les surfaces féminines et les volumes anatomiques, etc. »
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Marie Sarré (éd.), Les Magiciennes. Surréalisme et alchimie au féminin. Leonora Carrington, Ithell Colquhoun, Remedios Varo, Paris, Éditions du Centre Pompidou, 2024, 120 pages, 14,50 euros.