Les procès intentés dans divers pays opposant le collectionneur russo-chypriote Dmitry Rybolovlev, actionnaire principal du club de football AS Monaco, et son conseiller en art, l’ex-roi des « ports francs » Yves Bouvier, sont proches de trouver une issue définitive.
Accusé conjointement avec son avocate Tetiana Bersheda d’avoir élaboré début 2015 un plan pour faire venir Yves Bouvier à Monaco dans le but qu’il soit arrêté par la police monégasque, l’oligarque et son avocate ont été innocentés en Suisse le 2 octobre 2024 par une ordonnance de classement du Ministère public de la Confédération, que nous avons pu consulter.
Menotté et ensuite incarcéré à Monaco pendant quatre jours fin février 2015, Yves Bouvier avait été libéré contre une caution de 10 millions d’euros. Pour payer cette dernière, le marchand d’art avait, selon nos informations, confié à la justice monégasque une sculpture en bronze d’Auguste Rodin d’une valeur moindre.
Le marché de l’art a suivi pendant des années les procès au pénal et au civil opposant le collectionneur et son conseiller à travers le monde. Car Dmitry Rybolovlev accusait son discret adviser d’avoir pratiqué des prix exorbitants et empochés des marges considérables pour ventes des œuvres de Vincent van Gogh, Gustav Klimt, Amedeo Modigliani et bien d’autres.
Le milliardaire avait ensuite intenté des procès à Yves Bouvier non seulement à Singapour où ce dernier avait ouvert un port franc et vivait partiellement, mais aussi à Hong Kong, au siège de ses entreprises. Il l’a aussi poursuivi à Genève où il avait des activités dans le domaine du transport d’œuvres d’art et la gestion du port franc, ainsi qu’à Monaco, où réside le Russe et patron du AS Monaco. De plus, il a intenté un procès contre Sotheby’s à New York, sur la base d’une possible implication de la société dans les ventes d’œuvres d’art cédées par Yves Bouvier. Mais Dmitry Rybolovlev l’a perdu.
De son côté, Yves Bouvier a porté plainte au pénal à Genève en septembre 2017, s’appuyant sur une analyse du téléphone portable de l’avocate Tetiana Bersheda. Cette analyse commandée par un juge d’instruction de Monaco tendait à prouver l’existence d’un plan « d’actes exécutés sans droit pour un État étranger » (citation de l’ordonnance du 2 octobre 2024). En clair : l’avocate et son mandant se seraient rapprochés des policiers pour faire menotter le marchand d’art suisse à l’entrée du domicile monégasque de l’oligarque. Une démarche étonnante, complètement négligée au moment des faits.
Saisie par les avocats de Dmitry Rybolovlev et de Maître Bersheda, la Cour européenne des droits de l’Homme a déclaré que l’exploitation du téléphone portable d’une avocate était « irrecevable pour des motifs purement formels » et a suggéré le classement de la procédure, en tenant compte d’un accord entre Rybolovlev, Bouvier, Bersheda et une autre personne en 2023. Sur la base de cet accord, Yves Bouvier a renoncé à poursuivre ses actions en justice.
Maître Martin Reynaud, l'avocat parisien de Dmitry Rybolovlev, espère de son côté que le dénouement procédural sera le même à Monaco qu’en Suisse, à savoir « la fin des poursuites », comme il nous l’a indiqué par courriel.
Le classement mettrait un point final à ce scandale qualifié de « Monacogate ».
Entretemps, Yves Bouvier, à qui le fisc fédéral et les Impôts communal et cantonal réclament en Suisse plus de 900 millions de francs suisses d’arriérés d’impôts pour les années 2009-2015, ayant renoncé à ses plaintes, nous a déclaré : « Je souhaite tourner la page sur ce long conflit et je me suis retiré des procédures contre M. Rybolovlev, donc je ne les commenterai pas ».