« On ne change pas une équipe qui gagne. » Ce proverbe pourrait tout à fait s’appliquer à Paris Internationale : l’événement a de nouveau fait appel au bureau d’architecture suisse Christ & Gantenbein. On ne change pas non plus un lieu qui gagne, l’ancien central téléphonique Bergère-Trudaine, dans le 9e arrondissement de Paris. Le nomadisme annuel, l’une des caractéristiques de la Foire, s’achève, du moins pour un temps. La scénographie, qui joue sur la transversalité, se déploie sur les spacieux plateaux du bâtiment avec de simples murs parallèles, sans y adjoindre de cimaises perpendiculaires, échappant ainsi aux attributs des stands traditionnels. Le parcours de la Foire se révèle plus lisible, avec un plan ouvrant des perspectives nouvelles d’un emplacement à l’autre. Il se dégage de cet ensemble, a priori éclectique, un parti pris qui conforte l’identité de la manifestation.
La Foire réussit à s’inscrire et se maintenir dans l’offre très fournie de cette semaine de rendez-vous de l’art contemporain, grâce notamment à son échelle évitant que l’attention des visiteurs soit saturée. En effet, bien que, depuis 2023, le Salon dénombre 72 galeries, soit une augmentation de 20 % par rapport à l’édition 2022 qui n’en comptabilisait que 60, son parcours, étage par étage, reste confortable pour le public.
L’événement est organisé par les galeries européennes Ciaccia Levi (Paris, Milan), Crèvecœur (Paris) et Gregor Staiger (Zurich, Milan) : le trio fondateur. Foire internationale par essence, voire intercontinentale, elle reste majoritairement européenne, puisque 42 galeries proviennent du « vieux continent ». Parmi celles-ci, on compte onze enseignes françaises – dont Champ Lacombe (Biarritz) et SISSI Club (Marseille) –, une dizaine de galeries allemandes, quatre italiennes et polonaises, trois suisses et deux belges participant pour la première fois : Sofie Van de Velde (Anvers) et Lodovico Corsini (Bruxelles), laquelle est née de la scission entre les branches américaine et belge de la galerie CLEARING. Les États-Unis sont représentés par une petite vingtaine de galeries (dont onze new-yorkaises), et la Chine par sept d’entre elles, majoritairement originaires de Shanghai.
L'utopie collective de la foire
Selon Silvia Ammon, la directrice de la Foire, cette 10e édition conserve un credo identique, à savoir constituer « une plateforme par et pour les galeries, étant au cœur de ce métier, de façon à ce que cela soit le plus profitable tant pour elles que pour les artistes qu’elles défendent. C’est pour [elle] un véritable engagement, dont l’objectif est de rester au plus proche de cette utopie collective qui dès le début a toujours caractérisé la Foire ». Sa dénomination est empruntée à l’Internationale situationniste de Guy Debord, « auquel elle doit sa philosophie d’autogestion, de dérive, de détournement et d’émancipation ». Paris Internationale demeure jusqu’à présent une structure indépendante à but non lucratif. « Cet engagement à rester au plus proche des galeries nous retient de grandir absolument, tout en nous obligeant à trouver et à maintenir notre équilibre financier », précise Silvia Ammon.
« Le bilan [de la Foire] depuis sa création est positif, tant pour les galeries que pour les artistes, mais aussi pour la place de Paris, car notre ancrage y est très fort, sans compter la constante mise en valeur d’un patrimoine urbain méconnu, analyse-t-elle. Les endroits que nous trouvons sont excitants pour les artistes, car nous proposons un autre format que les foires habituelles. Après dix ans, on peut maintenant dire qu’une nouvelle génération est née, celle d’une communauté de galeries engagées. J’entends également dire qu’il s’agit de la foire préférée des artistes et des commissaires d’exposition, ce dont nous pouvons nous réjouir. C’est vraiment un modèle unique, qui plus est multigénérationnel. »
Les trois galeries fondatrices estiment que cette « utopie collective » est synonyme « d’un esprit d’indépendance et de collégialité, encourageant les propositions les plus audacieuses, dans un esprit de collaboration plutôt que de concurrence ». Pour faire face à l’afflux des candidatures – plus de 300 cette année pour 72 emplacements disponibles –, un comité de sélection international a été instauré. Cornelia Grassi (greengrassi, Londres), Raphael Oberhuber (KOW, Berlin) et Fernando Mesta (House of Gaga, Mexico, Guadalajara et Los Angeles) sont ainsi venus renforcer l’équipe initiale.
« Cette ouverture au monde est très importante, car pour les galeries étrangères leur participation chez nous constitue souvent leur première présence à l’international, poursuit Silvia Ammon. Nous veillons nonobstant à conserver notre identité originelle et à ne pas devenir une foire tremplin vers de plus grandes que nous. Certes, nous nous sommes développés, mais le passage de galeries au Grand Palais n’est pas obligatoire. Plusieurs enseignes qui auraient la légitimité d’y accéder préfèrent rester dans notre structure. »
Depuis 2021, la pertinence de la Foire se situe dans une demande spécifique adressée aux exposants : privilégier les solo et duo shows, accroître ainsi la lisibilité de l’œuvre des artistes et contribuer à une meilleure connaissance de leur travail. Cette approche distingue la manifestation des grandes foires, dont les exigences financières contraignent les participants à élargir au maximum leur panel d’artistes.
Comme à l’accoutumée, un nombre important de rencontres, de conversations et de visites guidées, animées par des commissaires d’exposition, des directeurs et directrices de musées et de fondations, ou encore des artistes, est au programme. Sous l’intitulé « MAINTENANT ! », le partenariat avec le Centre national des arts plastiques (CNAP) renouvelle le dispositif d’aide au projet artistique. Les quatre bénéficiaires pour 2024 se nomment Cécile Bouffard, Rebecca Digne, Nicolas Giraud et Françoise Quardon. Paris Internationale, maintenant !
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Paris Internationale, 16-20 octobre 2024, 17, rue du Faubourg-Poissonnière, 75009 Paris.