Conservée au Danemark depuis 1689, une cape du peuple Tupinamba a enfin été rendue au Brésil le 11 juillet. Son retour a été célébré avec émotion au musée national de Rio de Janeiro le 12 septembre en présence du président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva et de la communauté Tupinamba. Il restera dans un espace de stockage, entièrement préparé pour garantir sa conservation, et sera dévoilé au public en 2026 lors de la réouverture des expositions au musée, toujours en rénovation après l’incendie qui l’avait ravagé en 2019.
La précieuse parure indigène, tissée en fibres naturelles et recouverte de 4 000 plumes d’ibis rouge, avait quitté le Brésil à la période coloniale au XVIIème siècle pour entrer dans la collection du Musée national de Copenhague. Dix autres manteaux Tupinamba, partis dans des conditions similaires, sont encore conservés dans des institutions européennes : quatre au Musée national de Copenhague ; deux au Musée d’histoire naturelle de l’Université de Florence ; un au Musée des cultures à Bâle ; un au Musée royal d’art et d’histoire à Bruxelles ; un au Quai Branly à Paris ; et un autre à la Bibliothèque d’Ambroisie à Milan. Considérés comme une relique rare, ces manteaux sont le symbole culturel du peuple indigène Tupinamba qui vit dans le sud de l’État de Bahia, à environ 450 km de Salvador.
Ce rapatriement après vingt-quatre ans de combat est une première victoire pour la communauté Tupinamba. Il marque la fin d’un long processus de négociation mené par des diplomates brésiliens et des défenseurs des droits des indigènes. C’est en 2000 à São Paulo, lors de « L’exposition de la redécouverte, Brésil 500 ans », que deux leaders du peuple Tupinamba sont allés à la rencontre de leur manteau sacré. Cet événement inattendu a marqué le début d’une lutte acharnée pour son rapatriement et la reconnaissance de leur culture.
Le rapatriement de ce chef-d’œuvre ethnographique estlargement attribué aux efforts inlassables de la communauté Tupinamba ainsi que de l’artiste et activiste Gliceria Tupinamba. Missionnée par les Encantados – cesancêtres qui interviennent dans les cérémonies sacrées –, Gliceria va depuis des années à la rencontre de chaque manteau pour les écouter. Car pour elle, les manteaux parlent. Ce ne sont pas des objets mais des « anciens », des ancêtres. Comme elle l’explique, « chaque manteau a une spiritualité de communication et des fragments de mémoire auxquels j’ai pu accéder (...) Ma démarche est d’écouter le manteau pour comprendre les fragments de l’histoire des Tupinambas, une histoire qui a été racontée par les autres et non par nous-mêmes. En écoutant, nous comprenons ce qui s’est passé dans l’histoire ». Le manteau conservé à Copenhague, par exemple, lui a dit qu’il était prêt à revenir à la maison. Gliceria Tupinamba contribue par ailleurs à faire revivre la tradition du tissage de ces vêtements cérémoniels. L’une de ses œuvres est actuellement exposée au pavillon brésilien à la Biennale de Venise cette année. Le nouveau manteau n’est pas de couleur rouge, car l’ibis rouge n’existe plus. Aujourd’hui, la couleur marron prédomine, celle des plumes des oiseaux de la communauté et de la terre qu’ils défendent.
Consciente que leur communauté vit dans une région aux variations météorologiques et d’humidité dangereuses pour la conservation, Gliceria Tupinamba pense que « le musée national offre une sûreté, une sécurité et un confort. C’est un lieu public auquel tous peuvent avoir accès, mais aussi où l’on peut s’occuper des besoins physiques et techniques du manteau ». La remise de ce précieux manteau au Musée national de Rio de Janeiro est perçue comme étant plus qu’un retour symbolique : elle est ressentie comme un triomphe significatif dans la lutte plus large du peuple Tupinamba pour la reconnaissance de ses droits. Il représente un symbole d’identité, de mémoire et d’appartenance. Ce retour renforce le lien des Tupinambas avec leurs terres, essentiel pour leur cosmologie et leurs pratiques culturelles. Cette victoire témoigne de la résilience, de la vitalité durable de la culture Tupinamba (déclarée éteinte en 2000 !) et de l’immense valeur culturelle de son patrimoine pour les peuples indigènes du Brésil. Il s’agit là d’une étape importante dans la réparation historique et l’appréciation des cultures indigènes au Brésil.