« Et si on s’arrêtait pour voir ce qu’il se passe du côté des artistes femmes du monde arabe ? ». C’est la proposition de Laure d’Hauteville, fondatrice et directrice de la Menart Fair, dont la 5e édition, inaugurée jeudi 19 septembre, se tient jusqu’au 22 septembre 2024 à Paris. Ce pari n’était pas gagné d’avance. La directrice confie avoir été surprise que certaines galeries aient exprimé leurs inquiétudes de ne pas réussir à vendre dans ce cadre exclusivement féminin. Toutefois, une trentaine d’enseignes ont relevé le défi et exposent à la Galerie Joseph, dans le Marais.
L’heure est donc à la pédagogie alors que certains noms d’artistes n’ont pas encore traversé les frontières de leurs pays. Plusieurs stands, comme celui de la Picasso Art Gallery (Le Caire), ont ainsi choisi de consacrer une partie de leur accrochage à des œuvres non commercialisées, afin de faire découvrir les figures marquantes de l’histoire de l’art locale. La galerie met à l’honneur des peintres égyptiennes comme Inji Efflatoun, Gazbia Sirry et Tahia Halim, qui incarnent l’art moderne égyptien, dans lequel les femmes occupent une place importante. À quelques pas de là, la Mashrabia Gallery of Contemporary Art (Le Caire) présente une œuvre monumentale de l’artiste contemporaine égyptienne Sabah Naim. Réalisée en tricot avec divers matériaux, cette pièce est l’une des plus imposantes de la foire (à 28 000 euros). L’artiste, qui a été exposée à la Biennale de Venise en 2003, figure également dans les collections du British Museum, à Londres.
De son côté, la Contemporary Art Platform (Koweït), installée à l’entrée de la foire, montre également certaines œuvres qui ne sont pas à vendre, dont un petit format d’Etel Adnan, afin de « souligner la richesse et la diversité des talents de la région ». L’enseigne propose notamment des impressions de Farah Behbehani (Koweït), finaliste du Richard Mille Art Prize décerné au Louvre Abu Dhabi, à 15 000 dollars, et la spectaculaire sculpture Ouroboros en bronze de Ranya Sarakbi (Liban), dont une version a été vendue chez Christie’s en 2020 pour 300 000 livres.
Des artistes engagées
Le Maghreb est bien représenté avec des peintres modernes déjà connues en France comme Baya (Algérie) ou Chaïbia Talal (Maroc) sur le stand du Violon bleu Gallery (Sidi Bou Saïd). Le Comptoir des Mines Galerie de Marrakech expose des artistes contemporaines marocaines et libanaises dans un accrochage particulièrement harmonieux. Deux sculptures en terre crue de Fatiha Zemmouri (Maroc), dont certaines œuvres sont entrées dans la collection permanente du Guggenheim Abu Dhabi, avaient d’ailleurs trouvé preneur avant l’ouverture de la foire.
Pour Laure d’Hauteville, l’engagement est le fil conducteur qui relie ces œuvres, en dépit d’esthétiques et de provenances très variées. Certaines artistes jouent délibérément sur les stéréotypes associés aux femmes, comme l’usage de couleurs vives ou la représentation de fleurs, pour exprimer des messages profonds. Chez Simine Paris, Roya Akhavan, artiste d’origine iranienne, propose des toiles à double lecture : derrière ses motifs colorés et géométriques se cachent des éléments beaucoup plus sombres, tels que des avions de chasse ou des clous, reflétant les tensions de l’exil (17 000 euros). La Galerie Écho 119 (Paris), elle, met en lumière les créations de Maryam Khosrovani (Iran), qui travaille sur la thématique de la mémoire et de l’exil à travers des installations en plâtre et tissus teintés aux épices, imprégnant le stand d’une odeur de fleur d’oranger (7 500 euros). Une fragrance qui nous invite à flâner, à la découverte des nouveaux visages féminins du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord.
Menart Fair, jusqu’au 22 septembre 2024, Galerie Joseph, 5 rue Saint Merri, 75004 Paris.