À l’Est, du nouveau. Viennacontemporary célèbre sa 10e édition jusqu’au dimanche 15 septembre 2024 avec une nouvelle directrice artistique, synonyme de nouvel élan, Francesca Gavin. Venue de Londres, la co-commissaire de Manifesta 11 à Zurich en 2016 connaît bien la scène viennoise et en particulier la foire, dont elle avait curaté la section émergente l’an dernier. Ces dernières années, viennacontemporary, entre autres malmenée par la pandémie, avait réduit la voilure, et « traversé des hauts et des bas », selon un exposant. L’enjeu ? « Les foires régionales sont des espaces où il y a la possibilité de découvrir des galeries qu’on ne voit pas partout ailleurs. Venant d’un background d’auteure et de curatrice avec un vif intérêt pour Vienne, je suis consciente de ce que la ville et la foire peuvent apporter », confie Francesca Gavin. Et de pointer l’attractivité de Vienne, qui constitue désormais une alternative viable à Berlin en Europe pour les jeunes artistes en quête d’une capitale artistique dynamique et abordable. Un atout pour la Foire ! Avoir leurs ateliers sur place est en outre assurément un plus pour leurs galeries, qui n’ont pas de problème de transport des œuvres… C’est le cas par exemple du jeune artiste serbe Vukadin Filipovic dont la galerie de Belgrade, non canonico, présente les belles peintures énigmatiques à partir de 4 000 euros. Mais aussi de la Danoise Cecilia Norgaard à laquelle sa galerie de Copenhague, Matteo Cantarella, a dédié son stand dans la section Emergent avec des peintures très contrôlées, elles aussi à partir de 4 000 euros. Dans l’ensemble, la Foire se veut une vitrine importante pour les artistes et les galeries non seulement viennoises mais aussi des pays limitrophes ou proches – Ukraine, Slovénie, Estonie, Bulgarie, Pologne…
Avec un bon tiers d’exposants de plus par rapport à 2023 (98 contre une soixantaine) et un nouveau lieu, Messe Wien, cette édition anniversaire marque indéniablement un tournant. Francesca Gavin a aussi introduit Context, une nouvelle section consacrée aux redécouvertes d’artistes du XXe siècle négligés mais qui ont influencé l’art en Autriche, et qui accueille neuf galeries et institutions. Ainsi de Vlasta Delimar à la galerie michaela stock (Vienne). « Je suis une grande admiratrice de ce que Frieze London a réalisé dans ce sens. C’est vital de montrer aux collectionneurs et aux comités d’acquisition les artistes qui ont précédé et influencé la scène plus contemporaine, de montrer les connexions », précise Francesca Gavin.
Si globalement viennacontemporary reste une foire de découverte et de jeunes artistes pleine de fraîcheur, les galeries autrichiennes n’hésitent pas à y exposer des créateurs plus que confirmés, tels Hans Op de Beeck et Marina Abramovic chez Krinzinger ; Robert Rauschenberg avec un Bear Grass de 1999 à 500 000 dollars ou un escalier de Wolfgang Laib à 280 000 euros hors taxes chez Thaddaeus Ropac. Pinksumer expose quant à elle des pièces de Tomás Saraceno. Sur son stand partagé avec Christine König, la galerie Dawid Radziszewski (Varsovie et Vienne) montre une peinture de Louisa Gagliardi inspirée de l’univers des réseaux sociaux. Globalement, les ventes ont bien démarré, souvent à des petits prix, parfois supérieurs à 10 000 euros.
Sur le stand de la galerie G3, plusieurs assemblages détonants (à partir de 20 000 euros) et une sculpture à taille humaine d’Ines Doujak attendent le visiteur. Cette artiste féministe pionnière a beau avoir participé à la Documenta 12 à Cassel en 2007 ou à la Biennale de São Paulo en 2014, elle est « restée longtemps en dehors du marché », souligne sa galeriste. À quand une exposition en France ?
Autour de viennacontemporary, locomotive d’une « art week » qui inclut Curated By (une vingtaine d’expositions curatées dans des galeries), Parallel (axé sur l’art émergent), le « off » s’étend avec l’arrivée de Particolare. Ce nouvel événement bénéficie d’un jeu de chaises… musicales puisqu’il prend place au Kursalon, un bâtiment 1900 qui a accueilli ces dernières années… viennacontemporary. Organisé par une structure associative, Particolare bénéficie du soutien du Russe Dmitry Aksenov, ancien propriétaire… de viennacontemporary !
Ceci n’est pas une foire, mais une exposition. Même si tout est à vendre jusqu'au 15 septembre sur Particolare. En face du Stadspark, le parc municipal parsemé de monuments aux grands compositeurs, de Richard Strauss à Anton Bruckner, l’équipe de talents (Thomas Hug de Maze, Marc-Olivier Wahler, directeur du MAH à Genève…) a composé une partition fine et de très haut niveau autour de la musique, du temps, de l’astronomie, avec des pièces souvent historiques. Au rez-de-chaussée, on retrouve ainsi Dara Birnbaum et sa vidéo-montage autour du piano et du film Passion immortelle sur la pianiste Clara Schumann sorti en 1947 et interprétée par Katharine Hepburn, l’installation-performance de cent métronomes géniale de Fluxus réalisée avec György Ligeti de 1962, semblables à une armée de petits cercueils redressés en laque noire… Mais aussi une installation de Joseph Kosuth de 1991 (avec la galerie Christine König), une œuvre miroitante de Michelangelo Pistoletto à l’étage à 2 millions d’euros, les croissants de Lune de Tacita Dean, des sculptures de Saâdane Afif autour des montres (galerie Mehdi Chouakri) ou encore une installation ludique et décalée de Wim Delvoye vue au MAH. « J’avais beaucoup aimé l’esprit du Basel Social Club à Bâle en 2023, comme contre-modèle des foires, confie Marc-Olivier Wahler. Le modèle de la foire avec des stands, c’est daté, c’est le caravansérail du XVe siècle ! Ici, le lieu est extraordinaire, propice pour présenter et vendre des pièces qui sortent du commun, des pièces pour lesquelles le collectionneur, qui se met alors en danger, a besoin de réflexion, d’un lieu adapté ». Un lancement réussi.