Les expositions associant deux grands noms de l’histoire de l’art, a fortiori de la période héroïque de l’art moderne, sont de plus en plus à la mode. Quand il s’agit d’un musée monographique, la figure de style se mue presque en figure imposée. Cet été, le musée Matisse propose ainsi un dialogue inédit entre le maître des lieux et Joan Miró, dont les noms ont été accolés dans le titre : « MiróMatisse ». « Ce n’est pas un maniérisme typographique mais une façon de faire sentir qu’il s’agit de dégager un terrain partagé et, sur ce terrain, une communauté d’attitudes, plutôt que le détail des relations entre les œuvres de Miró et de Matisse, écrit dans le catalogue Rémi Labrusse, commissaire de l’exposition. Sans rivalité ni imitation, en amont des ressemblances et des divergences de styles, de sujets, sociales ou philosophiques, quelles intuitions profondes ont permis à une compréhension mutuelle de se développer entre les deux artistes ? » L’exposition niçoise insiste sur l’admiration qu’éprouvaient l’un pour l’autre le peintre né au Cateau-Cambrésis et celui d’origine espagnole. Miró fut profondément marqué par la période fauve de son aîné de 24 ans tandis que Matisse, qui dut surmonter une longue période de doute, ne cachait pas son admiration pour le jeune artiste qu’il plaçait parmi les plus talentueux de l’époque. Tous deux se lient d’amitié en 1934, après s’être rencontrés grâce à Pierre Matisse, fils du peintre et marchand de l’Espagnol aux États-Unis. L’exposition présente notamment une lettre de Miró à Matisse qui accompagne une coupure de presse d’un journal barcelonais où apparaît un article consacré au Français.
Dans les salles du musée Matisse, les œuvres des deux peintres sont confrontées. « Pour commencer, ils ont en commun un rapport passionné avec le réel, excluant à la fois la simple imitation des apparences et l’abstraction », affirme un texte à destination des visiteurs. Plus loin, une salle pointe une même attirance pour la culture japonaise.
Si les deux artistes se regardent et se parlent, leurs œuvres prennent cependant des voies formelles bien distinctes, même s’ils se retrouvent parfois, comme le montre aussi l’exposition. Ainsi, l’une des salles les plus convaincantes est celle associant sur une même cimaise le Nu debout de Joan Miró datant de 1918 et Figure décorative sur fond ornemental d’Henri Matisse de 1925-1926. Dans ces deux tableaux, la figure centrale est une femme nue, debout chez l’Espagnol, assise chez le Français, mais c’est le fond surtout qui relie ces deux peintures. L’un comme l’autre placent la femme devant un motif décoratif qui annule la perspective, les tapis du sol rejoignant les motifs des murs, le pot de fleurs apparaissant même en miroir sur chacune des toiles. « C’est comme si Miró répondait par anticipation à une œuvre de Matisse qui n’existait pas encore, la méditait, y reconnaissait que les combats qui s’y jouent étaient aussi les siens, enfin en révélait à nos yeux les contradictions les plus intimes en les installant dans ses propres territoires », écrit à propos de ces deux peintures Rémi Labrusse dans le catalogue. Si loin, si proche.
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« MiróMatisse. Au-delà des images », du 28 juin au 29 septembre 2024, Musée Matisse, 164 avenue des Arènes de Cimiez, 06000 Nice