Pour l’inauguration de son espace en principauté en 2022, la galerie Hauser Wirth avait placé dans les jardins des Boulingrins, à quelques mètres du Casino, une spectaculaire Spider de Louise Bourgeois. Cet été, l’œuvre qu’elle y déploie se veut plus minimale. The Blue Gate, qui marie les tons de bleu et de violet, pardon « peacock » et « amethyst » pour reprendre une partie du titre de la sculpture, date de 2021. Sur la verte pelouse qu’il est interdit de fouler, les parois de verre teinté jouent avec le soleil généreux de la petite cité-État. Un clin d’œil à la lumière omniprésente à Los Angeles…
The Blue Gate est l’œuvre la plus récente de l’exposition consacrée à Monaco par Hauser & Wirth à Larry Bell, figure du mouvement californien « light and space ». Car le focus concocté par Tanya Barson, directrice senior chez Hauser & Wirth et ancienne conservatrice à la Tate Modern de Londres, se concentre sur les œuvres des années 1970. Celles-ci sont « devenues rares à trouver et figurent dans des collections aussi importantes que celles de la Tate à Londres, du Centre Pompidou à Paris, de la Collection Pinault… », explique Federica Beretta, directrice de Hauser & Wirth Monaco. Plusieurs pièces sont prêtées par des collections italiennes et sont montrées dans les profondeurs du bel espace minimal de la galerie à Monte-Carlo. Soit deux sculptures de verre provenant de la collection Panza à Varèse ; et deux autres de feue la galeriste et comtesse Carla Panicali di Montalto, disparue en 2012. Acquises en 1974, soit quelques années à peine après leur réalisation, auprès de la galerie Marlborough à Rome, ces dernières n’étaient depuis jamais sorties de chez elle… Ces œuvres sont posées sur des tapis voulus par l’artiste, comme lors de la présentation de longue durée de ses pièces à la Dia Beacon, aux États-Unis. Elles complètent une installation murale, Moving Ways, de 1978, en aluminium sur papier jouant avec la lumière.
Ce qui frappe dans ces œuvres, outre l’absence de couleurs, c’est la maestria avec laquelle l’artiste joue avec la perception du spectateur, réussissant à créer une succession de surfaces tantôt miroitantes tantôt translucides. Un film accompagnant l’exposition montre dans son atelier cet ami de Bernar Venet avec qui il partage indéniablement une même quête du minimalisme et de la recherche expérimentale autour des matériaux. Au cœur de sa pratique figure en effet l’utilisation d’une « vacuum chamber », une chambre à vide, enceinte rigide dont l’air et les gaz sont éliminés. Larry Bell explore grâce à cette technologie les possibilités réfléchissantes du verre, des recherches qui lui vaudront de dialoguer avec la NASA qui travaille dans le domaine de l’aéronautique à des démarches semblables. « Vous pouvez trouver du verre partout où vous allez, et ce n’est pas si coûteux », explique l’artiste dans la revue Ursula éditée par Hauser & Wirth, pour expliquer pourquoi il a choisi le verre comme support.
Les panneaux de verre restent à taille humaine pour pouvoir les déplacer. Avec le temps, les cadres métalliques ont disparu, laissant parler les formes architecturales de ces sculptures dépliées parfois en zigzag. Jetant des ponts entre la lumière californienne et méditerranéenne, l’exposition trouve aussi sa pertinence par la présence en France d’œuvres de l’artiste dans les collections publiques, à l’Espace de l’Art concret à Mouans-Sartoux, dans la région, et au-delà, au musée d’art contemporain de Lyon par exemple.
« Larry Bell: Works from the 1970’s », jusqu'au 31 août 2024, Hauser & Wirth Monaco, www.hauserwirth.com