Entretien avec Roger Chudeau, député sortant et référent du groupe RN à la commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale.
Quelles seront vos premières mesures concernant la culture si le RN remportait les élections législatives ?
Les acteurs du monde culturel déplorent depuis des années – à raison – que la France a définitivement abandonné l’idée de mettre en place une grande politique culturelle nationale comme fut celle de Malraux en son temps. Actuellement, l’État se saisit de la Culture de manière trop succincte par l’adoption de petites mesures épisodiques sans grandes conséquences. La France mérite une politique culturelle d’ampleur, à la hauteur de la grande nation qu’elle est. La Culture appartient donc au temps des réformes avec la mise en place d’une politique structurelle pour le pays. Dès l’automne, l’audiovisuel public sera privatisé pour assurer la pleine et entière indépendance des contenus et de l’information. Dès l’automne également, les enseignements seront recentrés sur les savoirs fondamentaux (sciences, français, histoire) car nous sommes convaincus que la Culture est un domaine éminemment lié à l’éducation. Si un enfant ne connaît pas le contexte historique auquel correspond Guernica de Picasso ou La Liberté guidant le peuple de Delacroix, l’impératif de transmission serait un échec. La première des médiations est l’éducation.
Comptez-vous renforcer le budget du ministère de la culture et le sanctuariser ?
À ce sujet, les deux derniers rapports de la Cour des comptes visant le ministère de la Culture sont accablants. À trois ans d’intervalle (2021 et 2024), tous les deux pointent le même problème : des budgets importants lui sont alloués pour la poursuite d’une logique de guichet, cantonnant le ministère au rôle de régulateur et non plus d’initiateur. Ce qui compte est donc une meilleure répartition des crédits afin d’enrayer la gabegie budgétaire.
Quelle politique entendez-vous mener pour le patrimoine qui semble être votre priorité ?
De façon contre-intuitive, le patrimoine culturel fonctionne à rebours de beaucoup d’économies régissant notre pays, puisque le patrimoine n’est tout simplement pas un bien de consommation comme les autres : son importation enrichit la France et son exportation l’appauvrit. Notre politique en faveur du patrimoine consistera donc à renforcer la politique d’acquisition déjà existante ainsi qu’à faciliter sa protection. Pour cela, Marine Le Pen avait déjà présenté certaines mesures fortes dans son programme présidentiel de 2022 telle que celle qui consistait au maintien des œuvres dans leur contexte en classant « monuments historiques » des œuvres privées (en tant qu’ensemble mobilier « attaché à perpétuelle demeure ») afin qu’elles puissent bénéficier de la même protection inhérente à l’immeuble et de leur transmission d’un même tenant. Elle avait également proposé une loi de programmation du patrimoine qui permettrait de faire un premier audit sur l’état de santé du patrimoine en concertation avec toutes les associations de défense du patrimoine. Si le patrimoine mobilier et immobilier français constitue sans nul doute une richesse unique pour notre pays, son patrimoine naturel constitue lui aussi un ensemble de joyaux à protéger avec autant de soin que le reste, à plus forte raison au regard des enjeux climatiques et environnementaux auxquels notre pays est confronté.
De quelle façon mettriez-vous en place votre proposition de service civique du patrimoine ?
Il sera étudié au niveau des DRAC et de la direction du Patrimoine la possibilité d’offrir aux jeunes Français volontaires des périodes de soutien à la politique du patrimoine et leur insertion sur des chantiers de restauration ou d’archéologie, qui demandent régulièrement des volontaires.
Quelle position adoptez-vous par rapport à la fermeture pour travaux pendant 5 ans du Centre Pompidou ? Certains souhaitent maintenir son ouverture pendant ces travaux.
Les arguments invoqués par les professionnels de l’art et de la culture qui s’insurgent d’une fermeture aussi longue sont parfaitement audibles. Toutefois, il est tout aussi nécessaire, pour le bien des collections et de nos institutions publiques que des travaux de grande envergure aient cours. On pourrait d’ailleurs souhaiter que le gouvernement ait les mêmes ambitions pour de nombreux sites patrimoniaux en péril. Pour ce cas précis, des solutions alternatives semblent avoir été promises par le gouvernement. Encore faudra-t-il veiller à ce qu’elles soient mises en œuvre sans que cela n’entraîne de dommages collatéraux.
De quelle façon comptez-vous soutenir la scène artistique française de l’art contemporain ?
En premier lieu, il est essentiel de faire la distinction entre « l’art contemporain » entendu comme l’ensemble de la scène artistique actuelle et « l’art contemporain », entendu non plus comme une période historique, mais comme un genre à part entière devenu lui-même le nouvel art institutionnel, tel que l’a si bien démontré la sociologue Nathalie Heinich. Dans l’absolu, le soutien à la scène artistique française est impératif puisque nous sommes intimement convaincus que la France est une grande nation animée d’une véritable force créatrice et dotée d’artistes de talent. Tout au long de l’Histoire, la France a démontré toute l’étendue de son génie artistique et nous souhaitons qu’elle puisse continuer à le prouver avec force. L’État doit donc être capable de créer toutes les conditions nécessaires à l’émergence d’excellence française en matière de création. Pour cela, le ministère de la Culture doit disposer de tous les moyens possibles pour faire preuve d’une grande déontologie dans son soutien à la scène artistique française, c’est-à-dire ne pas privilégier un genre plutôt qu’un autre et ne pas se laisser impressionner par les nouveaux censeurs de l’expression artistique. Actuellement, le meilleur moyen de soutenir la scène artistique française est donc de faire preuve de courage politique en prenant très au sérieux la question de la liberté d’expression, grandement mise en danger par les idéologies de déconstruction et les nouveaux paradigmes artistiques.