Entretien avec Sarah Legrain, députée sortante La France Insoumise-NUPES et vice-présidente de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale.
Quelles seront vos premières mesures concernant la culture si le NFP remportait les élections législatives ?
Il faut d’abord sauver le service public de la culture ! Entre autres en raison des effets conjugués de l’inflation et du désinvestissement, des secteurs entiers sont à bout de souffle. Il faut assumer de refinancer et de mener une politique de l’accès à la culture pour les classes populaires. Cela permettra aussi de renforcer la diversité artistique. Pour préserver la pluralité de l’offre, il faut du financement.
Justement, le programme du NFP parle de « renforcer le budget public consacré à l’art, la culture et la création pour le porter à 1 % du PIB par an ». Il tourne actuellement autour de 1 % du budget de l’État. C’est donc un saut énorme. Comment comptez-vous faire, alors que les finances de l’État sont déjà en berne ?
Grâce à un changement de modèle économique ! Il faut aller chercher l’argent là où il est par une réforme fiscale. Un chiffrage a été établi, et notre programme est soutenu notamment par 300 économistes, dont la prix Nobel Esther Duflot. Si les classes populaires sortent la tête de la misère grâce à une augmentation des salaires, on sait que cela aura un effet sur la consommation culturelle. Quand on ne touche que le smic, il est difficile de faire des sorties culturelles… En réinjectant de l’argent dans les classes populaires, on sait qu’ensuite cela profite à l’économie culturelle. C’est un cercle vertueux.
Vous voulez « étendre la gratuité dans tous les musées nationaux, garantir une tarification abordable dans les institutions publiques et encadrer les tarifs abusifs des lieux privés ». Comment comptez-vous financer la gratuité dans les musées nationaux, alors que les billets d’entrée sont une source de revenus indispensable pour les musées dont les subventions publiques sont par ailleurs à la baisse ? Le Louvre aussi serait gratuit ?
Il faut assumer des choix financiers qui vont conduire à l’accès populaire à la culture. Et en particulier aider les collectivités territoriales qui ont été asphyxiées toutes ces dernières années, elles ont eu des pertes de financement. Le Louvre, comme les autres musées, est un bien commun…
Par quels moyens entendez-vous encadrer des tarifs d’entrée dans les lieux privés qui sont par définition… privés ?
Il y a bien une politique d’encadrement des prix du livre !
Quelle position adoptez-vous par rapport à la fermeture pour travaux pendant 5 ans du Centre Pompidou ? Certains souhaitent maintenir son ouverture pendant ces travaux.
Nous avons soutenu les travailleurs et leurs exigences quant au maintien de leurs emplois. Certains avaient très peu de réponses et leur inquiétude était légitime. Je n’ai pas d’opposition de principe au fait de fermer pour travaux quand c’est nécessaire, mais ça doit être limité et justifié, et fait en concertation avec les équipes pour que des ressources humaines si importantes soient bien employées. Par ailleurs, ce qui est important, c’est de maintenir l’accès aux œuvres pendant les travaux. La fermeture est une chose, l’accès aux collections est une autre. Il faut garantir que l’exposition des collections soit possible ailleurs, et que la fermeture pour travaux ne serve pas de prétexte à des suppressions d’emplois ensuite.
De quelle façon comptez-vous soutenir la scène artistique française de l’art contemporain ?
Même si ce n’est pas mentionné dans le programme, l’un des points importants est de réformer le pass culture. Il permet aux jeunes de disposer d’un budget à la consommation, mais en réalité il faut une médiation, sinon ce sont toujours les mêmes industries culturelles déjà florissantes qui en bénéficient. Les bénéficiaires, à travers les algorithmes notamment, vont vers ce qu’ils connaissent déjà. Je comprends qu’avec l’inflation, les gens l’utilisent pour aller au cinéma ou acheter un livre qu’ils avaient déjà prévu d’acheter, mais derrière, il y a des fonds publics… Tout ceci au détriment de domaines moins évidents pour ces jeunes comme l’art contemporain. Je crois beaucoup a contrario à la médiation, au financement des lieux d’éducation populaire, des petites scènes, au maillage sur le territoire qui peut donner accès aux gens à un art vers lequel ils ne seraient pas allés autrement. Plus que dans un algorithme, c’est dans l’humain qu’il faut investir le budget de la culture dédié à la médiation.