Matthew Teitelbaum, directeur du Museum of Fine Arts (MFA) de Boston depuis 2015, prendra sa retraite en août 2025, a annoncé le musée le 20 juin. Son mandat au MFA – le 72e musée d’art le plus visité au monde et le 10e aux États-Unis, selon la dernière enquête sur les chiffres de fréquentation réalisée The Art Newspaper – a été marqué à la fois par des succès et des défis, de la refonte de nombreuses salles d’exposition, des services de restauration et des programmes éducatifs, à un incident à caractère raciste impliquant un groupe scolaire en visite, en passant par des négociations contractuelles avec les employés syndiqués (et une brève grève) ainsi que deux fermetures pour cause de pandémie qui ont duré au total plus de sept mois entre 2020 et 2021.
Dans une déclaration, Matthew Teitelbaum a fait l’éloge de son personnel. « Nous avons agi suivant la conviction que l’art peut changer la perception du monde, renforcer la confiance en la capacité de la communauté et placer les artistes au centre de l’action en faveur d’un changement créatif, a-t-il déclaré. Les meilleures années du MFA sont à venir, grâce à l’engagement de son personnel, de son conseil d’administration, de ses bénévoles et de ses visiteurs. Nous croyons tous ensemble au MFA, à sa capacité à partager la passion et à encourager la solidarité civique, ce qui est plus important que jamais. »
Plusieurs initiatives lancées par Matthew Teitelbaum au cours de son mandat à Boston ont consolidé le MFA et, plus largement, le secteur des musées. Deux ans après sa nomination, en 2017, il a lancé MFA 2020, un plan stratégique sur dix ans visant à mieux connecter le musée à ses communautés par le biais d’actions de sensibilisation auprès des universités, de projets d’art public notamment. Il a également contribué à la mise en place de MFA Pathways, l’un des plus grands programmes de stages rémunérés entièrement financés dans un musée américain, accessible aux étudiants de premier et de deuxième cycle, et destiné à contribuer à élargir et à diversifier la filière professionnelle pour les futures générations de personnels des musées. Depuis le lancement de ce programme en 2021, les musées ont collecté 37 millions de dollars pour le soutenir.
Le mandat de Matthew Teitelbaum a également été marqué par des interventions stratégiques au niveau de l’infrastructure physique du MFA, notamment l’ouverture en 2021 d’un nouvel espace de plus de 2 000 mètres carrés dédié à la restauration des œuvres. De nombreuses salles de la collection permanente ont été rénovées ou entièrement réaménagées au cours de la dernière décennie, dont de nouveaux espaces consacrés à l’art hollandais et flamand, à la Renaissance italienne, à l’Égypte du Moyen Empire, à l’art japonais et la première salle du musée dévolue à l’art judaïque.
La collection du musée s’est considérablement développée sous son mandat, avec d’importantes acquisitions d’œuvres d’art néerlandaises et flamandes (via les donations, en 2017, des collections Rose-Marie et Eijk van Otterloo et Susan et Matthew Weatherbie), de peinture et de calligraphie chinoises (via la collection Wan-go H.C. Weng, donnée en 2018), de photographie (avec l’acquisition de la collection de photographies du marchand Howard Greenberg en 2018) et d’œuvres de Piet Mondrian (grâce à un don de 34 pièces de Maria et Conrad Janis).
Comme la plupart des institutions américaines, le musée a fermé ses portes en mars 2020 en raison de la pandémie de Covid-19. Il est resté clos pendant six mois, au cours desquels 57 employés ont été licenciés et 56 autres ont accepté des propositions de retraite anticipée. Lorsque les cas de Covid se sont à nouveau multipliés fin 2020, le musée a encore fermé ses portes pendant plus d’un mois. Trois mois après les licenciements, 90 % du personnel éligible du MFA a voté en faveur de la création d’une section Local 2110 du syndicat United Auto Workers (UAW) (désormais l’unité de négociation collective des employés de l’accueil, des conservateurs et des éducateurs, entre autres, NDLR).
Un an après avoir voté en faveur de l’adhésion à un syndicat, alors que les négociations entre les représentants de l’organisation syndicale et la direction du musée semblaient dans l’impasse, plus de 200 membres de la section Local 2110 de l’UAW au MFA ont organisé une journée de grève et de manifestation. Après sept mois de négociations, le syndicat a signé son premier accord avec le musée.
Au printemps 2019, la division Civil Rights du bureau du procureur général du Massachusetts a ouvert une enquête concernant un incident qui s’est déroulé au MFA, au cours duquel un groupe d’élèves du collège et leurs accompagnateurs de l’Helen Y. Davis Leadership Academy ont déclaré avoir été victimes de discrimination raciale et de harcèlement de la part de mécènes, de bénévoles et de membres du personnel du musée. Les élèves, qui étaient tous des personnes de couleur, ont déclaré avoir été surveillés de près dans le musée par le personnel de sécurité, bruyamment et agressivement pris à partie par un autre visiteur et avoir subi d’autres préjudices.
Un an plus tard, le musée et le procureur général du Massachusetts, Maura Healey, sont parvenus à un accord selon lequel le MFA s’engageait à créer un fonds de 500 000 dollars pour promouvoir la diversité et l’inclusion et à travailler avec les étudiants du groupe et leur école pour « garantir une expérience accueillante pour tous les membres de la communauté ».
« En travaillant avec le procureur général Healey et l’Helen Y. Davis Leadership Academy, nous avons la possibilité de créer un nouveau modèle d’inclusion et de diversité au service de la ville de Boston, et nous espérons donner l’exemple à d’autres, avait déclaré à l’époque Matthew Teitelbaum dans un communiqué. Nous avons beaucoup appris au cours de l’année écoulée et tout au long de ce processus, et bien qu’il nous reste encore à apprendre et à travailler, ensemble nous réussirons. »
Le MFA a organisé et accueilli de nombreuses expositions majeures pendant son mandat, parmi lesquelles celles consacrées à Ansel Adams, Hokusai, John Singer Sargent, Claude Monet et Jean-Michel Basquiat, mais aucune n’a été autant sous les projecteurs que la rétrospective itinérante de Philip Guston, reportée de manière controversée en raison des inquiétudes suscitées par les représentations de membres du Ku Klux Klan dans l’œuvre de l’artiste. Après que l’exposition a été suspendue à l’été 2020, dans le contexte des manifestations du mouvement Black Lives Matter et de la prise de conscience nationale concernant le racisme qui ont suivi le meurtre de George Floyd, elle a finalement été présentée à Boston au printemps 2022, où elle a reçu des critiques extrêmement positives, ainsi que lors des présentations suivantes, à Houston, Washington et Londres.
Dans un entretien accordé en 2021 à The Art Newspaper, dans lequel il évoquait les nombreux obstacles auxquels son musée avait été confronté au cours des deux années précédentes, Matthew Teitelbaum avait reconnu trois types de défis auxquels son institution (et, sous diverses formes, la plupart des musées d’art) devait faire face. Le premier est d’ordre financier, pour faire fonctionner une grande institution avec un budget relativement limité ; le deuxième concerne les problèmes d’accessibilité et d’ouverture mis en lumière par l’incident de 2019 avec les étudiants en visite – « la manière dont nous traitons les inégalités systémiques dans notre institution, qui vont de la rémunération à la diversité en passant par les questions d’accessibilité à nos institutions », avait-il dit. Enfin, il avait déclaré que les principales questions qui se posaient étaient celles du rôle, de la définition et de l’objectif d’un musée au XXIe siècle.
« Je pense que cela représente un défi pour les institutions de premier plan, car nous occupons la place qui est la nôtre, et nous en sommes fiers, grâce aux collections extraordinaires que nous avons constituées au fil des générations, avait-il poursuivi. Le bâtiment et le campus que nous possédons, notre sens du lieu et de l’histoire, sont autant d’éléments qui nous permettent de maintenir et de développer ces collections. Mais pour maintenir et développer cela, nous devons continuellement affiner la question de la pertinence : Quel rôle joue le musée ? Comment rassemble-t-il les gens ? Comment créer un lieu de vie pour l’ensemble de nos communautés ? »
Historien de l’art canadien, Matthew Teitelbaum a rejoint le MFA de Boston après avoir quitté sa ville natale de Toronto, où il était auparavant directeur de la Art Gallery of Ontario. Il a aussi occupé l’un de ses premiers postes de conservateur à l’Institute of Contemporary Art de Boston. Il est titulaire d’une licence en histoire canadienne de l’université Carleton d’Ottawa, d’un Master en peinture et sculpture européennes modernes du Courtauld Institute of Art de Londres et d’un doctorat honoris causa de l’université Queen’s, au Canada.