15 à 20 % des effectifs publics devraient être supprimés au cours des prochains mois dans le cadre de la politique de Javier Milei visant à stabiliser la crise fiscale du pays et à éliminer la corruption. Le nouveau président a qualifié l’État d’« organisation criminelle » qui doit être réduite au minimum. Depuis son entrée en fonction en décembre 2023, il a mis en œuvre cette promesse électorale. Son premier décret a visé le ministère argentin de la Culture, dont les services ont été intégrés au sein d’autres administrations.
Le Museo de Arte Latinoamericano de Buenos Aires (Malba) est l’un des musées qui a été le plus directement touché jusqu’à présent. Un porte-parole de l’institution a déclaré à The Art Newspaper que la décision du gouvernement Milei de supprimer le financement de l’Instituto Nacional de Cine y Artes Audiovisuales (INCAA) aura un impact négatif sur sa programmation de cinéma, Malba Cine, qui projette quatre films par mois en collaboration avec l’INCAA.
« La paralysie actuelle de l’INCAA décidée par le gouvernement en place met en péril la pérennité de toutes les structures qui diffusent des films argentins, alerte Fernando M. Peña, chercheur et archiviste, et directeur de Malba Cine. Dans le cas du Malba, une part importante de notre programmation est constituée de premières argentines, qui ont besoin de lieux de diffusion adéquats. Depuis 20 ans, nous présentons en avant-première entre deux et quatre longs métrages par mois. Cette continuité, qui a permis au fil du temps de fidéliser un public, sera compromise si cette situation perdure. » Le nombre de films produits chaque année avec le soutien du gouvernement fédéral argentin devrait diminuer considérablement par rapport à la moyenne actuelle d’environ 200 films.
La suppression du financement de l’INCAA a provoqué une onde de choc dans les communautés cinématographiques argentine et mondiale, le ministère argentin du Capital Humain a publié une déclaration publique stipulant que « l’époque où les festivals de cinéma étaient financés par la faim de milliers d’enfants est révolue ». Le gouvernement a déclaré qu’il fallait s’attendre à d’autres coupes dans les mois à venir. « Notre engagement à atteindre un déficit budgétaire zéro n’est pas négociable », précise le communiqué.
En mars, le gouvernement a également ordonné le licenciement de 120 membres du personnel de la Biblioteca Nacional Mariano Moreno (BNMM), la branche centrale de la bibliothèque nationale de la République argentine. Les employés licenciés ont été informés par courrier électronique que leurs contrats ne seraient pas renouvelés. La BNMM comptait auparavant 900 salariés répartis dans les trois branches de l’institution. Dans un communiqué, la BNMM a déclaré qu’il n’y avait « plus de travailleurs » et que « la classe ouvrière dans son ensemble subit un ajustement brutal qui implique un transfert écrasant de revenus au profit des minorités économiques ».
Après l’annonce de la décision de licencier le personnel, plus de 2 200 personnes ont signé une lettre ouverte adressée à Susana Soto Pérez, directrice de la BNMM, lui demandant la réintégration d’un employé en particulier, le professeur et chercheur Roberto Casazza, qui travaillait dans l’institution depuis près de trois décennies et est considéré comme « l’une des plus grandes références latino-américaines en matière de bibliographies du XVe au XVIIIe siècle », selon la lettre.
Roberto Casazza a déclaré qu’il n’était « pas au courant des méandres et des problèmes juridiques concernant ces questions », mais qu’il était convaincu que cette décision était un « échec flagrant de l’État, car elle menace également ses propres intérêts ». Si la moitié des employés licenciés intentaient une action en justice, cela coûterait « beaucoup plus cher à l’État que de payer les salaires », a-t-il ajouté dans un entretien accordé au journal Página 12.
Javier Milei, ancien économiste et animateur de télévision, se décrit lui-même comme un « anarcho-capitaliste ». Il est entré en fonction en décembre 2023, alors que l’inflation en Argentine atteignait 140 % par an et que près de 50 % de la population tombait sous le seuil de pauvreté. Pendant sa campagne électorale, le nouveau président a qualifié l’enseignement artistique de « perte de temps », les universités de « centres d’endoctrinement idéologique » et la recherche scientifique de « luxe que le pays ne peut pas se permettre ».
À peine élu, son premier décret a visé à démanteler le ministère argentin de la Culture et à le fondre dans d’autres administrations. Ses actions et son approche de la culture présentent des parallèles frappants avec celles de l’ancien président brésilien d’extrême droite, Jair Bolsonaro. Ce dernier considérait également les incitations fiscales culturelles comme de la corruption et a supprimé le ministère brésilien de la Culture dès le premier jour de son mandat en 2019, cherchant à réduire le financement de la culture par une série de sévères coupes budgétaires. Son successeur, Luiz Inácio Lula da Silva, a rétabli le ministère lorsqu’il a pris ses fonctions en 2023.
Reste à déterminer quels impacts les mesures d’austérité de Javier Milei auront sur les autres musées et institutions argentins, dont la plupart ont refusé de nous répondre ou n’ont pas donné suite à nos demandes de renseignements. Certaines des institutions artistiques les plus importantes du pays, comme le Museo de Arte Contemporáneo de Buenos Aires (Macba), sont financées par le secteur privé ou reçoivent des fonds provenant principalement des administrations municipales plutôt que fédérales.