L’amorce de cette deuxième semaine consécutive de foires à New York pouvait s’accompagner d’interrogations sur cette abondance de l’offre et du risque de déstabiliser un marché qui a commencé à se stabiliser. Mais la preview de Tefaf New York, qui s’est tenue le 9 mai à Manhattan, a suscité un optimisme prudent : le marché est orienté à la hausse, même modérément.
L’édition 2024 de Tefaf New York réunit environ 90 exposants au Park Avenue Armory et met davantage l’accent sur les œuvres d’art et de design modernes et contemporaines que la foire de Maastricht, plus grande et plus classique. Pour autant, cet ajustement temporel n’a pas entamé la réputation méritée de la foire, que LeeAna Wolfman, directrice de la galerie Templon à New York, qualifie de « crème de la crème » du secteur.
Cette année, Templon participe pour la deuxième fois à Tefaf New York. LeeAna Wolfman explique que la galerie a vu dans sa participation à la foire un moyen de « galvaniser » sa présence dans la ville après l’expansion de Templon à Chelsea à l’automne 2022. Son stand présente notamment des peintures figuratives de Philip Pearlstein (prix compris entre 175 000 et 200 000 dollars) et Michael Ray Charles (de 175 000 à 225 000 dollars), ainsi qu’une sculpture de Chiharu Shiota (100 000 dollars).
« La qualité est très élevée. Ce n’est pas une foire comme les autres, déclare Alex Logsdail, directeur général de la Lisson Gallery, Les gens voient vraiment de grandes œuvres d’art ici. Vous pouvez vous concentrer. » Le soir de la preview, la galerie avait vendu au moins huit œuvres. La plus chère a été Brandy Wine (2024) d’Anish Kapoor, une itération rouge foncé de ses œuvres signatures en acier inoxydable et en miroir laqué, vendue pour 783 000 dollars. Nébula 7 (2015) d’Olga de Amaral a trouvé acquéreur pour 220 000 dollars.
« Dans l’ensemble, le marché s’est considérablement amélioré depuis l’année dernière, du moins de notre point de vue. Mais l’époque où tout le monde vendait tout ce qu’il avait apporté est révolue. Les gens font preuve de discernement dans leurs décisions », poursuit Alex Logsdail, qui ajoute que les clients « reviennent à l’essentiel » dans les questions qu’ils se posent avant de décider d’acheter : « L’œuvre est-elle importante d’un point de vue historique ? S’agit-il d’une pièce significative dans l’œuvre de l’artiste ? Le prix est-il correct ? »
La galerie Almine Rech a fait sensation le jour de l’ouverture en annonçant qu’elle avait cédé un petit tableau de Picasso pour un montant compris entre 1,8 et 2 million(s) de dollars, ainsi qu’une œuvre sur papier de l’artiste pour environ 500 000 dollars. La galerie a également conclu des transactions pour des peintures moins onéreuses de Kenny Scharf (de 180 000 à 200 000 dollars) et de Brian Calvin (environ 50 000 dollars), ainsi que pour une sculpture en bronze de Claire Tabouret (environ 100 000 dollars).
La galerie Tina Kim (New York) propose notamment sur son stand une œuvre du Coréen Park Seo-bo, au prix de 1,5 million de dollars, vendue le jour du vernissage. Selon Junni Chen, directrice de la galerie, Tefaf New York est « une foire très importante. Nous rencontrons beaucoup de collectionneurs et nous avons toujours beaucoup de succès », en particulier pour les œuvres historiques.
Fidèle à la ligne de Tefaf Maastricht, la foire new-yorkaise propose des œuvres anciennes de premier ordre, ce qui correspond à « son ADN », explique Nicholas Olney, le président de la galerie Kasmin (New York). Cette dernière consacre son stand à une sélection d’œuvres couvrant près d’un siècle de création, du dessin Nu Debout (baigneuse) (1923) de Picasso à la libellule en bronze (2022) du sculpteur contemporain Alma Allen, achetée pour 65 000 dollars le jour du vernissage. Selon Nicholas Olney, la foire attire « une excellente clientèle que nous ne voyons pas systématiquement à Chelsea », y compris des clients qui ne sont pas new-yorkais et qui prévoyaient de rester jusqu’à la fin du cycle des ventes aux enchères.
Bien que les prix élevés soient généralement en phase avec la qualité des œuvres, certaines pièces sont parties à des montants modestes par rapport à la réputation de Tefaf. Lisson a vendu cinq petites œuvres du sculpteur japonais d’après-guerre Masaomi Yasunaga entre 4 000 et 12 000 dollars chacune. Thaddaeus Ropac, qui consacre son stand aux œuvres de l’artiste abstraite américaine Joan Snyder, a vendu Primary Fields (2001) à une institution asiatique pour 350 000 dollars et WallGarden (2015) pour 160 000 dollars, tandis que six œuvres sur papier de l’artiste ont trouvé preneur entre 15 000 et 40 000 dollars chacune.
Les ventes de la Sean Kelly Gallery ont été tout aussi variées. Un porte-parole de la galerie a indiqué que sept pièces avaient été vendues le jour du vernissage, dont deux à des montants à plus de six chiffres : une photographie d’Alec Soth (2002) pour 135 000 dollars, et la peinture à l’huile sur papier Aluel Mareng Study (2023) de Kehinde Wiley pour 100 000 dollars.
« Tefaf était comme un méandre sur une rivière côtière saumâtre, ses rives festonnées de fleurs, ses eaux fertiles en huîtres et en objets d’art et d’artisanat exceptionnels, le bateau à aubes personnel s’arrêtant constamment pour s’émerveiller de la vue. On a l’impression d’avoir retrouvé la joie de collectionner : malgré la foule, on avait le temps de s’arrêter, de parcourir, de contempler, de s’informer », a résumé avec lyrisme la conseillère en art basée à New York Liz Parks dans un courriel adressé à The Art Newspaper. Avant de conclure : « Les photos prises avec mon téléphone font penser à des diapositives d’un cours d’histoire de l’art. »
Tefaf New York, jusqu’au 14 mai 2024, Park Avenue Armory, New York.