Polyvalent : tel est le mot qui vient à l’esprit en visitant la Casa Franca, tout nouveau lieu sorti de terre dans le 18e arrondissement de Paris, au 8 cité Nollez. Ce bâtiment neuf abrite de multiples activités : il se veut tout à la fois maison d’artiste, résidence et atelier pour d’autres artistes, mais aussi bureau et lieu d’exposition. Il est aussi le siège de la Greenline Foundation créée en 2022 par l’artiste Sarah Valente. Son axe principal ? « Sensibiliser le public à la cause de la forêt à travers l’art et la création », explique-t-elle. L’action de la fondation consiste notamment à lever des fonds, par le biais de vente d’œuvres d’art, mais aussi grâce à des mécènes ou des entreprises, pour acheter des parcelles de forêt en France et à l’étranger afin de les préserver.
Le lieu a été pensé comme une grande cabane : hormis un soubassement en béton et la singulière façade en pisé – en terre crue de Beauvais –, la structure de son architecture est en bois. La nature et la forêt tiennent à cœur à Sarah Valente, maître d’ouvrage de la Casa Franca. Cet intérêt s’est développé lors d’un voyage au Brésil en 2019, mais aussi, plus jeune, en Guadeloupe avec son grand-père maternel. « En référence aux maisons construites dans les arbres telles des cabanes, nous avons suggéré un tronc imaginaire qui traverserait la maison dans sa hauteur, à travers des marques ou une découpe au sol », précise Sarah Valente. Celles-ci créent un jeu d’ouvertures et de failles lumineuses zénithales. Un motif revient dans la Casa Franca. Il s’agit de l’Ouroboros, serpent qui se mange la queue, symbole de l’infini, et que l’on retrouve dans certaines œuvres exposées.
Mobilier de créateurs proches de Sarah Valente et artistes de plusieurs générations cohabitent au fil des pièces. Des luminaires de Paul Créange en forme de liane succèdent à ceux de Marine Breynaert aux allures d’insectes – clin d’œil à la forêt. Le bois sert de fil conducteur, d’un impressionnant travail de marqueterie par Victor de Rossi, fils de Pucci de Rossi, réalisé d’après des dessins d’Alice Ricard, à une bibliothèque du même designer en placage de SARAIFO (pour Save the Rain Forest, Sauver la forêt tropicale), imitation d’essences de bois précieux comme le zébrano. Du côté des artistes, on croise une peinture de Théo Mercier en référence au livre de Roger Caillois, La lecture des pierres ; une broderie faite main de Louis Barthélemy, inspirée des tifaifai polynésiens, dans laquelle il a imaginé un jardin d’Eden. Un peu plus loin, le visiteur découvre un tableau de jungle quasi psychédélique de Julien Colombier, qui travaille au pastel gras sur fond noir ; mais encore une fresque en céramique représentant la grand-mère de Sarah Valente – dont le nom, Franca, a été donné au lieu – réalisée par Basile Boon ; des céramiques de Marion Artense Gély. Et enfin une fresque polychrome d’Antoine Carbonne, réalisée dans l’esprit de la Danse de Matisse avec pour thème, toujours, la forêt, côtoie une photo de nu du Chinois Ren Hang.
Figurent aussi dans cette sélection des photographies de Sarah Valente elle-même, qui utilisent le principe de la lumière noire, de fluorescence de la nature. En résidence à POUSH à Aubervilliers depuis 2020, elle présentera une première exposition solo (dessins, sculpture, photographies et installations) fin 2024 à la galerie parisienne Romero Paprocki qui s’intitulera « The flesh of God » (« La chair de Dieu »), « nom que donnent les chamans mexicains aux plantes hallucinogènes qui leur permettent d’entrer en contact avec la nature », confie l’artiste. Le projet Casa Franca, qui aura duré trois ans, a été réalisé dans une démarche éco responsable avec le cabinet d’architecture Déchelette. L’attention aux moindres détails s’étend jusqu’au sol du niveau inférieur, qui devient fluorescent par réaction à la lumière ultra-violette. La maison n’est cependant ouverte que sur rendez-vous. « J’ai hâte de voir comment va vivre ce lieu maintenant ! », lance en conclusion Sarah Valente.