Tous les ans, AKAA (Also Known as Art Africa), la Foire d’art contemporain dédiée à l’art africain, publie un livre d’art en lien avec cet événement. Cette année, Armelle Dakouo, directrice artistique d’AKAA, a orienté la huitième édition sur les enjeux curatoriaux afin de penser les nouveaux espaces d’expositions et d’expression pour ces artistes noirs, trop longtemps tenus à la marge.
À cette fin, l’ouvrage se veut collectif et propose le regard croisé de trois commissaires d’exposition : Armelle Dakouo, Allison Glenn, et Jeanne Mercier nous introduisent au travail d’une vingtaine d’artistes de ce que le sociologue Paul Gilroy nomme l’Atlantique noir. La dernière partie est dédiée au prix Ellipse (exposé lors de la Foire) et à une très jeune génération d’artistes émergents, puisque, comme le suggère le titre, « d’autres viendront »…
Soigner les regards
Le sous-titre, « Voix curatoriales », est quant à lui à entendre au sens large. Les acteurs artistiques et culturels noirs, longtemps occultés et méprisés par les institutions muséales, puis progressivement rendus visibles depuis les années 1980, ont parfaitement conscience de l’importance des enjeux de monstration. Le livre revient ainsi sur la façon dont plusieurs artistes conçoivent des espaces alternatifs d’exposition comme lieu de visibilisation et de reconnaissance de la Blackness, comme l’a fait Ange Dakouo avec le collectif Tim’Art par exemple, ou Georgina Maxim avec le Village Uhnu, espace collectif d’artistes au Zimbabwe.
Mais on peut aussi considérer la racine latine du mot anglais « curation », curare, c’est-à-dire « prendre soin », et envisager que ces voix soient celles des artistes, et l’espace d’expression incarné dans leurs œuvres. En effet, les notions de guérison et de réparation sont centrales dans le travail de ces artistes. Il s’agit souvent de poser un nouveau regard sur leurs cultures traditionnelles pour se défaire des stéréotypes occidentaux. Il s’agit également de penser les ruptures nombreuses qu’a subies un continent : ruptures dans l’histoire, les archives et les lieux avec la colonisation, ruptures avec les traditions et les cultures ancestrales… En somme, c’est aussi l’idée de porter, dans cette contestation des grands récits hégémoniques de l’histoire de l’art, l’expression de la singularité d’un artiste et d’une identité culturelle propre, et un lieu d’invention et de fierté pour réinventer les canons esthétiques à venir.