Artiste décorateur, c’est ainsi que se définit Victor Cadene. Son approche multidisciplinaire est résolument ancrée dans les arts décoratifs, avec lesquels il ne cesse de dialoguer, imaginant des frises de papier peint pour l’Atelier Mériguet-Carrère ou, plus récemment, une tapisserie avec la manufacture d’Aubusson Robert Four. Chacune de ses créations découle de sa pratique du dessin et du collage.
Victor Cadene fait naître de son crayon toutes sortes d’objets décoratifs, mobilier, sculpture, végétation, qu’il découpe et assemble spontanément à travers le collage. Il en résulte des scènes d’intérieur feutrées et élégantes, dont la profusion de détails et la richesse chromatique évoquent les Nabis, qu’il décrit comme une grande influence, tout en emmenant notre imaginaire vers l’antique, le baroque, le rococo, ou encore l’Atelier Martine de Paul Poiret et Henri Matisse, figure chère à l’artiste.
Cette abondance de références est une joie pour l’œil qui se plaît à flâner jusqu’à l’égarement dans les méandres de ces scènes de théâtre régies par la couleur, fil rouge de sa démarche créative. Peu de gens maîtrisent l’art d’associer les couleurs comme Victor Cadene. Il joue avec les pigments tel un poète avec les mots, suscitant chaque fois une émotion nouvelle.
DE LA COULEUR AUX MOTS
Cette première monographie a été pensée dans la tradition du livre d’artiste qui associe l’image au mot. Les œuvres se déploient au rythme d’aphorismes de l’auteur-compositeur Arthur Teboul faisant écho à son univers créatif. L’un d’eux donne son titre à l’ouvrage : « Comment sont les gens dans leur intérieur ? Leur for intérieur. » Car si les scènes d’intérieur sont au cœur de la pratique de Victor Cadene, elles semblent fonctionner comme un portrait en creux de l’artiste, que le lecteur est invité à découvrir page après page.
La figure humaine est absente de son imagerie. C’est un moyen pour lui de renforcer notre sentiment d’observateur. Victor Cadene a conçu ce livre comme une invitation à la contemplation : « À l’intérieur n’est pas un livre qui se lit. C’est un objet que l’on ouvre de temps en temps pour contempler une œuvre ou deux ». Chaque page se savoure avec parcimonie à la manière d’un recueil de poésie. Tantôt œuvres à part entière, tantôt dessins préparatoires pour un objet décoratif, les collages de Victor Cadene sont une ode sensible et opulente à la couleur et au motif, le manifeste antiminimaliste que l’on attendait.
Victor Cadene, À l’intérieur, textes d’Arthur Teboul, 2024, Paris, In Fine éditions d’art, 96 pages, 35 euros.