La première édition d’Arte Fiera s’était tenue du 5 au 16 juin 1974 dans le cadre de la Fiera Campionaria. Elle avait accueilli une douzaine de galeries, parmi lesquelles les enseignes italiennes Forni et De Foscherari. Une intuition heureuse et clairvoyante du directeur de l’époque, Maurizio Mazzotti. En Italie, c’était une nouveauté absolue. Et en Europe, un événement plutôt rare, si l’on considère qu’à l’époque, seules existaient les toutes jeunes foires Art Cologne (1967) et Art Basel (1970), tandis que la FIAC venait de lancer sa première édition à Paris (du 26 janvier au 3 février 1974). L’initiative a connu un tel succès que le nombre de galeries participantes est passé de 10 à 200 en 1975, attirant dans la Bologne des années 1970 les seigneurs du marché de l’art, de Leo Castelli à Ileana Sonnabend en passant par John Weber.
La 50e édition, dont le sponsor principal est Bper Banca, ouvrira ses portes du 2 au 4 février 2024 dans les pavillons 25 et 26 de BolognaFiere, sous la direction artistique de Simone Menegoi et la direction opérationnelle d’Enea Righi. Elle accueillera au total 196 exposants avec quelques retours notables, tels que Apalazzo Gallery, Laveronica, Lia Rumma, Lorenzelli Arte, Franco Noero, Ronchini et Sprovieri, confirmant un nombre de participants à la hausse depuis la pandémie de Covid-19. La section principale rassemblera des œuvres d’artistes italiens modernes et d’après-guerre, en particulier, mais pas seulement : Castellani, Burri, Fontana, de Chirico, Balla, Sironi, Capogrossi, Vedova, Afro, Optical art, Arte povera, Transavanguardia, autant de valeurs sûres pour les collectionneurs d’œuvres de milieu et haut de gamme.
Mais parmi les stands, les artistes émergents et de milieu de carrière à découvrir (ou redécouvrir) ne manqueront pas. Surtout dans les trois sections curatées (et de recherche) où les prix correspondent au milieu de gamme. Par exemple, dans la section « Pittura XXI » [« Peinture XXI »], coordonnée par le critique et commissaire indépendant Davide Ferri, qui se concentre sur les tendances de la peinture de 2000 à aujourd’hui. La deuxième section, confiée pour la seconde année à Giangavino Pazzola, est intitulée « Fotografia e immagini in movimento » [« Photographie et images en mouvement »], un genre, en particulier celui de l’art vidéo, qui se fait de plus en plus rare dans les expositions. Dans la troisième section « Multipli » [« Multiples »], dont le commissaire est Alberto Salvadori, seront présentés gravures, estampes, bijoux, livres d’artiste et tout ce qui relève du multiple.
« Quand je dis que l’atout d’Arte Fiera est son identité italienne, je ne parle pas seulement des galeries, explique Simone Menegoi, mais aussi des artistes. L’art contemporain italien est un défilé de figures et de tendances qui, à l’exception de trois ou quatre cas, souffre d’un décalage chronique entre sa qualité et sa valeur marchande, surtout si l’on compare ces figures et ces tendances à leurs homologues américains ou allemands. Lorsqu’un artiste, comme Salvo, commence à acquérir la visibilité et la valeur marchande qu’il mérite, cela fait la une des journaux ; mais sa valeur artistique a toujours été connue de ceux qui ont des yeux pour voir. Je suis heureux de constater que de plus en plus de collectionneurs étrangers (sans parler des galeries) ont compris cette dynamique et n’attendent pas les adjudications spectaculaires pour s’intéresser aux artistes italiens historiques. Faire d’Arte Fiera un point de référence essentiel pour tous est l’un des objectifs cruciaux de la foire pour les années à venir. »
« Depuis les premiers pas d’Arte Fiera, le marché de l’art contemporain s’est mondialisé, des Amériques à l’Asie, poursuit le directeur artistique de la foire. Il s’est diversifié comme jamais auparavant grâce à l’apport d’importantes scènes non européennes (pensons aux grandes vagues de l’art chinois et indien) ; les maisons de vente aux enchères se sont imposées comme des acteurs majeurs, capables de changer le destin d’un seul artiste ou d’un courant entier. Les collectionneurs, dont certains ont créé une fondation ou un musée privé, sont devenus des acteurs du monde de l’art qui influencent profondément le marché, les galeries et les institutions par leurs choix. Suivant la trajectoire d’autres foires de la première heure en Europe (Art Cologne, par exemple), Arte Fiera a évolué de foire internationale – dans le sens que ce mot pouvait avoir dans les années 1970, c’est-à-dire limitée à l’Europe et aux États-Unis – à une foire qui se concentre fondamentalement sur son propre pays et ses voisins. »
Cinquante ans, dans un monde aussi rapide que le nôtre, sont à peu près l’équivalent d’une ère géologique. Et Arte Fiera doit aujourd’hui compter avec des centaines de concurrents dans le monde entier (environ 380 foires), avec l’attrait toujours plus grand des maisons de vente aux enchères et des nouveaux outils de vente en ligne, ainsi que le pouvoir écrasant de quelques géants de l’exposition bien identifiés qui saturent une grande partie du marché. Mais souffler ces 50 bougies est le premier signe incontestable d’un succès, d’une présence constante et ininterrompue qui, au-delà des hauts et des bas, a su garder sa propre identité, aspirant à rester le point de référence pour l’art italien moderne et contemporain, sans trop céder à la flatterie des modes et des tendances passagères.
« Dans un scénario où très peu de foires parviennent à être réellement globales – Art Basel avec ses filiales constituent l’unique exemple –, l’enracinement d’une foire dans son territoire est fondamental, veut croire Simone Menegoi. Je pense que le caractère italien d’Arte Fiera et sa vocation "nationale-populaire", comme elle a été définie à plusieurs reprises, sont sa carte maîtresse, qu’il ne faut jamais perdre de vue. Un autre atout d’Arte Fiera est son orientation commerciale : c’est une place de marché capable d’attirer une clientèle (essentiellement du centre et du sud de l’Italie) qui échappe aux autres foires. Mais l’âme commerciale n’exclut pas l’aspect culturel. Des performances des toutes premières éditions (dont nous donnerons un aperçu lors de cette 50e édition) aux commandes de la série "Opus Novum" de ces dernières années, Arte Fiera a été et doit continuer à être également un lieu de proposition et d’expérimentation artistique, en phase avec la vitalité culturelle de Bologne. »
Reste qu’une bonne foire fonctionne si elle séduit des collectionneurs de qualité. Pour les attirer à Bologne, « il faut capter leur intérêt : leur faire comprendre, dès la liste des galeries participantes, qu’ils y trouveront à la fois ce qu’ils connaissent et aiment, et ce qu’ils ne connaissent pas encore et pourraient aimer, est convaincu son directeur artistique. Pour qu’ils reviennent, il est essentiel que la visite soit facile, agréable et stimulante dans tous ses aspects, depuis la nuitée en ville jusqu’à la restauration à la foire, en passant par l’offre d’expositions et d’événements parallèles. Ces deux dernières années, nous avons beaucoup travaillé sur les collectionneurs étrangers, en engageant des "gestionnaires VIP satellites". Il s’agit d’une formule basée sur un élément fondamental : la relation directe, de confiance, que ces personnes ont créée au fil du temps avec les collectionneurs qu’elles connaissent et suivent. »
Après Flavio Favelli, Eva Marisaldi, Stefano Arienti, Liliana Moro et Alberto Garutti, l’œuvre de commande « Opus Novum », confiée depuis 2019 à un artiste différent et présentée à la foire, sera réalisée cette année par Luisa Lambri, une photographe subtile qui transforme l’architecture, notamment moderniste, en abstractions d’ombre et de lumière. Sa série a pour sujet l’église Santa Maria Assunta d’Alvar Aalto à Riola, dans les Apennins bolonais. Enfin, à ne pas manquer, la Fondazione Furla soutient le programme consacré à la performance, dirigé par Bruna Roccasalva – une pratique avec laquelle Bologne entretien un lien étroit depuis les années 1970, lorsque l’historique « Semaine internationale de la performance » a été créée.
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Arte Fiera, du 2 au 4 février 2024, BolognaFiere, pavillons 25 et 26, Bologne, Italie