Fiona Rae : Messages
Les nouveaux tableaux de Fiona Rae s’inscrivent dans « la continuité de la série Words initiée en 2021 ». Le sujet, le motif, l’objet (quel que soit le mot retenu), c’est une phrase tirée d’un auteur illustre ou d’un film de Disney. Sur de grands fonds blancs, elle peint des phrases, c’est-à-dire qu’elle se laisse porter par chacune des lettres, les dispersant sur différents plans dans l’espace, initiant de nouvelles fontes. On joue à retrouver dans le tableau les mots donnés par le titre. Sans dévier de son idée de l’abstraction, l’artiste ne craint pas de suggérer un paysage par un pan d’azur ou une architecture en donnant à des « i » des allures de colonnes qui projettent une ombre.
Prenons l’exemple de Teach me to hear mermaids singing, soit « apprenez-moi à entendre les sirènes chanter », pour la beauté de ce vers emprunté à John Donne. On y voit les lettres s’affoler, un « o » se tordre au point de ressembler aux « s », les verticales se briser, un « a » se décomposer en trait minces. La peinture se place sous l’invocation de cette image poétique, se porte à une forme de délire qui ne relève aucunement de l’illustration. Dans le même temps, Fiona Rae se montre le plus libre à l’égard du texte qui l’occupe et figure sur sa toile : sont-ce des projecteurs ou des fantômes qui se glissent sous le « m » ? Le tableau est une scène où les gestes résonnent avec les mots.
Du 12 janvier au 9 mars 2024, Galerie Nathalie Obadia, 91 rue du Faubourg Saint-Honoré, 75008 Paris
Johan Creten : How to explain the sculptures to an influencer
Avec Comment expliquer l’art à un lièvre mort, Joseph Beuys avait livré une performance mythique. Parmi les significations attachées à cette cérémonie, il y avait certainement un refus d’accepter la mort de l’art et la mort en général. Sans présumer de ce que Johan Creten pense de la catégorie des influenceurs, la présentation par laquelle il s’adresse à eux (« How to explain the sculptures to an influencer ») et à nous prend la forme d’une assemblée de sculptures en bronze de petite dimension posées sur des bases rectangulaires de céramique aux couleurs vives. Hormis Le Hareng, portrait d’une pêcheuse, les figurines réunies sur cette large table-podium appartiennent au monde animal. « Une joyeuse troupe théâtrale », nous dit le texte introductif, où l’on reconnaît la Mouche morte aux belles jambes repliées, une sauterelle, un hippocampe ou cet hybride qualifié d’Hypocrite. Ces créatures sont véritablement entre deux mondes, le décoratif et la statuaire (on retrouve d’autres d’entre elles dans un haut-relief), l’animal et le presque humain. Une belle patine verdâtre, de celles que donne la pluie, peut faire croire qu’elles ont trouvé dans la galerie un abri pour l’hiver. L’éclat des céramiques, la présence un peu surprenante dans cet espace resserré des Points d’observation, sculptures en forme de tabourets, confèrent à la démonstration un caractère de douce mélancolie.
Du 18 janvier au 2 mars 2024, Perrotin, 2 Bis avenue Matignon, 75008 Paris
Paloma Varga Weisz : Studio Paloma Varga Weisz
Paloma Varga Weisz établit pendant une huitaine de jours son atelier dans l’espace de la galerie. Chaque jour, elle y sculpte, dessine et peint sous le regard des visiteurs, des passants et des internautes. Elle a fait venir à Paris quelques-unes de ses œuvres dans des matériaux divers (du bois au verre et à la fonte d’aluminium) notamment quelques-unes de ses créatures dérivées de l’Artémis d’Éphèse qui, loin d’évoquer la fécondité, suggèrent une maladie d’origine peu naturelle. On y voit aussi quelques-uns de ses Wilde Leute, ainsi qu’un de ses Cabinets. Le Cabinet est une armoire qui contient des fragments de corps. C’est à la fois la réserve du sculpteur et un support à la rêverie qui ne craint pas l’effroi. En exhibant son métier, en mettant en avant une approche traditionnelle de son art, Paloma Varga Weisz démythifie certaine vision de l’atelier. Mais dans la reconstruction de son espace de travail, dans la mise en scène des sculptures qui l’accompagnent, elle glisse aussi vers la fiction. Sur cette scène étroite et dans son propre rôle, elle enrichit son self-made world et offre un point d’accès unique à l’ensemble de son œuvre.
Du 23 janvier au 3 février 2024, MASSIMO DE CARLO Pièce Unique, 57 rue de Turenne, 75003 Paris
Valentin Ranger : Infected/Disfigured
Valentin Ranger nous parle d’un monde digital, d’un « théâtre anatomique » à travers une série de réalisations dans les supports les plus divers : films d’animation, peintures-collages, impressions 3D en résine et gravures sur feuilles d’aluminium. Il est question d’avatars, d’Orgiax, de figures « dégenrées » dans lesquelles l’artiste a fusionné. Une familiarité avec les métavers n’est cependant pas un prérequis et les œuvres peuvent aussi s’appréhender avec d’autres références en tête. Ainsi, les peintures-collages rappellent furieusement l’art psychédélique des années 1960 et 1970, et les personnages aux crânes rasés sont presque des standards de la science-fiction de ces mêmes années. Aux dystopies d’alors, Ranger a substitué la vision d’un univers idéal où se découvrir et se réinventer. La métamorphose y est reine et des créatures ailées, opaques ou cristallines, évoluent dans le rose et l’orangé au milieu de cœurs, pour annoncer Le Nouveau printemps. On est très au-delà du goût et le sérieux affirmé de la démarche n’interdit pas l’humour. Dans un entretien avec Ingrid Luquet-Gad, l'artiste livre les ambitions et les enjeux de cette exposition présentée comme un récit.
Du 11 janvier au 4 mars 2003, Spiaggia Libera, 56 rue du Vertbois, 75003 Paris