Intitulée « La Maison pour tous », l’exposition répond à la volonté du musée des Arts décoratifs (MAD) de réaffirmer sa position sur la scène photographique en valorisant la richesse de ses collections. Pour son commissaire Sébastien Quéquet, chargé des fonds photographiques du MAD, elle marque également un tournant vers des expositions « plus économiques, plus écologiques, plus fouillées scientifiquement et reposant moins sur des prêts venus du monde entier ». Cette présentation a en effet pu voir le jour grâce au don – en 2023 – de l’ensemble des documents de l’enquête photographique menée à Carros, en 1983, par Marc Netter, son instigateur.
En guise d’introduction, l’exposition nous plonge dans l’univers des mythiques maisons Phénix. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, la reconstruction de la France voit éclore des entreprises proposant des habitations individuelles peu coûteuses et rapidement constructibles. Créée en 1946, Maisons Phénix devient le symbole de cette utopie pavillonnaire. Au début des années 1980, la société lance une enquête sur les territoires où elle s’est implantée. Elle fait alors appel à Marc Netter, commissaire d’exposition et fondateur d’une agence de communication, lequel sélectionne six photographes.
UN PHOTOREPORTAGE SOCIOLOGIQUE
C’est ainsi que Sabine Weiss (1924-2021), Jean Dieuzaide (1921-2003), Bernard Gille (né en 1952), Guy Le Querrec (né en 1941), Emil Schulthess (1913-1996) et Jacques Windenberger (né en 1935) sont envoyés en reportage à Carros, dans les Alpes-Maritimes, en 1983; la commune s’est en effet considérablement développée après l’implantation d’une zone industrielle. À la vue des clichés courant sur les murs du musée, force est de constater que l’idée originale d’un projet urbanistique prendra rapidement une orientation humaniste. Ainsi, la photographe franco-suisse Sabine Weiss capture la vie quotidienne et la jeunesse.
Comme le souligne Sébastien Quéquet, plus qu’aux Maisons Phénix, Marc Netter s’intéressait surtout à la manière dont les habitants s’inscrivaient dans ces villes nouvelles, trouvaient leurs marques dans des maisons préfabriquées et standardisées; et comment la vie s’y organisait-elle, notamment autour de structures associatives. L’ambition de Marc Netter était donc sociologique. Celui-ci avait d’ailleurs consulté Pierre Bourdieu (1930-2002) en amont du projet. La documentation accompagnant l’exposition révèle qu’à la suite de cette rencontre, le sociologue a entrepris des recherches sur la question de l’habitat, aboutissant à plusieurs articles et, bien plus tard, à la publication de son ouvrage Les Structures sociales de l’économie (2000).
Sous les clichés, on peut lire les témoignages des habitants qui ont été recueillis à l’époque par une journaliste. Pour l’exposition, Sébastien Quéquet est lui-même allé à la rencontre des Carrossois afin de réaliser une vidéo immortalisant leurs souvenirs… Une note nostalgique pour clore cette enquête née d’une velléité commerciale et devenue un précieux exemple de « sociologie visuelle ».
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« La maison pour tous. Une photographie sociale dans les années 80 », 8 novembre 2023 - 28 janvier 2024, musée des Arts décoratifs, 107-111, rue de Rivoli, 75001 Paris.