La Cour suprême autrichienne a rendu un arrêt le mois dernier statuant que toutes les œuvres de l’artiste autrichien devaient intégrer la Franz West Private Foundation, représentée par les galeries Gagosian, Eva Presenhuber et Bärbel Grässlin. Cette décision annule un jugement antérieur d’un tribunal autrichien qui avait accordé la propriété des œuvres de Franz West à sa veuve et à ses enfants.
La dernière volonté de l’artiste aurait été de séparer ses œuvres de ses autres biens, faisant de sa veuve et de ses enfants les héritiers de sa succession, tout en transférant ses œuvres d’art – et tous les droits y afférents – à la fondation qu’il avait créée lors de son hospitalisation, cinq jours avant sa mort en 2012.
Peu après la disparition du sculpteur, sa veuve, l’artiste Tamuna Sirbiladze, a poursuivi la fondation en justice, affirmant qu’elle et ses enfants (qui ne sont pas biologiquement ceux de Franz West mais que l’artiste considérait comme les siens) étaient propriétaires des œuvres. Christoph Kerres, l’avocat qui a représenté la famille jusqu’en 2017, avait précédemment déclaré à The Art Newspaper que les contrats rédigés pendant que Franz West était à l’hôpital étaient « précipités » et incomplets. Après la mort prématurée de Tamuna Sirbiladze en 2016, Benedikt Ledebur, le père biologique des enfants, a poursuivi l’action en justice au nom de la famille.
La dernière décision en date, rendue le 21 novembre 2023, désigne la sœur de Franz West, feu Anne Gutjahr, comme héritière légale de l’artiste, et non ses enfants. Décédée en mars 2021, elle avait précédemment ordonné que l’ensemble du patrimoine artistique de son frère soit transféré à la Franz West Private Foundation.
Cette décision marque également la victoire de Gagosian, qui représente la fondation privée depuis sa création, sur son rival David Zwirner, qui continue de représenter la succession et les archives Franz West, créées en 1997. David Zwirner a repéré le talent de l’artiste au début des années 1990 et l’a soutenu jusqu’à ce que Gagosian le débauche en 2001 – un coup dur pour Zwirner qui a déclaré à Vanity Fair en 2019 que le départ de West « [lui] a fait comprendre [qu’il] devait grandir ». Sollicité, un porte-parole de David Zwirner n’a pas souhaité commenter cette décision.
Stefan Ratibor, directeur de la galerie Gagosian, affirme que Zwirner a réalisé un « travail fantastique » avec Franz West dans le passé et qu’il continue d’exposer l’artiste, notamment à Los Angeles (du 26 octobre au 16 décembre 2023). N’ayant pas accès aux œuvres de la fondation, celles réunies pour cette exposition proviennent probablement de la collection de Zwirner et de celles d’autres personnes.
Stefan Ratibor estime que cette décision de justice est une « bonne chose » pour le monde de l’art. « Franz était très aimé des artistes et des conservateurs, et la fondation a désormais les coudées franches », déclare-t-il. Jusqu’à présent, tous les prêts et ventes d’œuvres de Franz West provenant de la succession nécessitaient une approbation du tribunal, y compris pour l’exposition par Gagosian de ses dessins à Frieze Masters à Londres cette année. « Les musées ont également hésité à organiser des expositions parce qu’ils ne savaient pas à qui s’adresser », ajoute Stefan Ratibor. La rétrospective au Centre Pompidou à Paris en 2018, présentée à la Tate Modern à Londres en 2019, n’avait été possible que parce qu’elle avait été planifiée et préparée du vivant de Franz West.
La Franz West Private Foundation est dirigée par l’ancienne directrice de l’atelier de l’artiste, Ines Turian, et compte dans son conseil d’administration Roland Grassberger, le neveu de l’artiste. « Nous sommes extrêmement heureux de ce dénouement, a déclaré ce dernier dans un communiqué. Nous pouvons enfin faire en sorte que l’œuvre de Franz West soit visible à nouveau par le public et défendre la portée de son héritage artistique. Pour nous, cette garantie judiciaire constitue la meilleure base pour y parvenir. »
Le neveu de l’artiste note qu'« un certain nombre de questions restent à régler ». Ajoutant : « pour l’instant, nous nous concentrons sur l’élaboration d’une stratégie tournée vers l’avenir afin de préserver l’héritage de Franz West, en partenariat avec des musées, des galeries et des collectionneurs du monde entier. »
Ces questions non résolues portent principalement sur le fait de savoir si les enfants de Franz West ont toujours droit à une part du patrimoine de l’artiste, qui pourrait inclure une portion de la valeur des œuvres actuellement détenues par la fondation. En Autriche, les enfants ont automatiquement droit à 50 % de l’héritage d’un parent. Cependant, dans son testament, Franz West avait stipulé que si sa veuve et ses enfants contestaient ses donations à la fondation privée, ils perdraient la totalité de leur héritage. Il se peut que cette question doive encore être clarifiée devant un tribunal. La saga va continuer.