Une démonstration de résilience à l’échelle du marché ou une tentative collective de faire croire que l’on va y arriver ? Telles sont les interrogations qui ont entouré la première journée VIP d’Art Basel Miami Beach hier, 6 décembre 2023. Même si la réponse ne sera connue que plus tard, les résultats des premières heures de la foire ont conduit à un optimisme mesuré.
Malgré la correction du marché qui a démarré il y a près d’un an et qui a découragé de nombreux professionnels de venir en Floride, les allées du Convention Center étaient en effervescence peu après l’ouverture des portes. Ceux qui ignorent le contexte général du marché auraient bien eu du mal à déceler une grande anxiété dans les stands. Pourtant, à en croire les conversations, cette nouvelle édition du salon se déroule dans un environnement plus difficile que l’année dernière, où des signes de dégradation du marché commençaient déjà à se faire sentir.
« C’est un marché légèrement plus sélectif. Pour nous, ce n’est pas une mauvaise chose car nous présentons beaucoup de pièces de premier plan, nous a déclaré Nick Olney, le président de la galerie Kasmin. Nous ne cherchons pas à pousser à la spéculation, nous construisons vraiment sur le long terme. » Le stand de la galerie Kasmin, plus grand que les années précédentes, présente un large éventail d’œuvres, des artistes institutionnels comme Alex Katz et Judith Bernstein à ceux en pleine ascension, telles que Cynthia Daignault et Vanessa German. La galerie a réalisé plusieurs ventes dès les premières heures : Leigh (2007) d’Alex Katz a trouvé acquéreur à 1,4 million de dollars (1,3 million d’euros) ; The tree surgeon (2023) de Sara Anstis, âgée de 31 ans, à 50 000 dollars (46 400 euros).
Plusieurs autres piliers ont été récompensés pour leur persévérance, même si ce n’est pas à des niveaux permettant de rééquilibrer le marché. Thaddaeus Ropac a cédé trois œuvres dans la tranche des prix à sept chiffres en début d’après-midi, ce qui est particulièrement remarquable pour une galerie refusant depuis longtemps de vendre à l’avance les pièces exposées sur ses stands. Copperhead-Bite IX / ROCI CHILE (1985) de Robert Rauschenberg a été cédé à 1,7 million de dollars (1,58 million d’euros), tandis que Alles fällt vom Tisch (2020) et Grüße aus Dinard (2023) de Georg Baselitz ont été vendus respectivement 1,5 et 1,2 million d’euros (1,39 et 1,1 million d’euros).
La galerie Gladstone a cédé des œuvres pour 2,2 millions de dollars (2 millions d’euros) au cours des deux premières heures de la foire : deux compositions sur papier de Keith Haring pour 950 000 dollars (881 700 euros) et 650 000 dollars (603 270 euros), la peinture Machine (2023) d’Amy Sillman pour 450 000 dollars (417 650 euros) et une œuvre sans titre d’Arthur Jafa à l’acrylique sur papier pour 150 000 dollars (139 215 euros). La Pace Gallery a également conclu plusieurs transactions pour des prix à six chiffres, dont Plus Equals Minus (vers 1945-1979) d’Isamu Noguchi pour 450 000 dollars (417 650 euros), une peinture de la série Bodyscape de l’artiste coréen Lee Kun-Yong pour 250 000 dollars (232 000 euros), et plusieurs éditions de la sculpture en bronze QT (2023) de Lynda Benglis pour plus de 200 000 dollars (185 620 euros) chacune.
Lehmann Maupin a également conclu de belles ventes. Dark Earth (Reservoir) de Teresita Fernández, une œuvre murale de 2023, a été vendue à de grands collectionneurs privés européens pour un montant compris entre 375 000 et 425 000 dollars (348 000 et 394 450 euros). Perdu CLXXXVII (2023) de Lee Bul a été acquis par une collection basée à Hongkong pour un prix compris entre 250 000 et 300 000 dollars (232 000 et 278 430 euros). La galerie a également cédé une pièce du duo brésilien OSGEMEOS, exposée dans le secteur Kabinett de la foire, pour 250 000 dollars (232 000 euros), à des collectionneurs américains.
La demande pendant le vernissage VIP ne s’est pas uniquement portée sur les grands noms, mais aussi sur des œuvres de jeunes artistes. Perrotin, qui présente sur son grand stand à la fois un solo show des nouvelles peintures de l’artiste californienne Emma Webster – qui connaît une ascension fulgurante –, et d'autres artistes de la galerie, a également connu un succès rapide. Les huit tableaux de Webster, qui représentent des paysages apocalyptiques induits par le changement climatique et créés à partir de modèles numériques conçus par l’artiste, ont tous été vendus en début d’après-midi, à des prix allant de 80 000 à 175 000 dollars (74 250 à 162 420 euros) chacun. La galerie a également trouvé des acheteurs pour des œuvres de Jason Boyd Kinsella, Alex Gardner et Xiyao Wang, à des prix allant de 65 000 à 115 000 dollars (60 330 à 106 730 euros), ainsi que pour une toile d’Emily Mae Smith (200 000 à 300 000 dollars – 185 620 à 278 430 euros).
Outre l’aspect commercial, la visibilité offerte par une méga foire comme Art Basel Miami Beach reste irremplaçable pour les marchands de taille modeste. « C’est un lieu clé pour nous tant pour élaborer notre programme que pour développer notre base de collectionneurs », nous a déclaré Omayra Alvarado-Jensen, directrice exécutive de la galerie Instituto de Visión, basée à Bogota et New York, qui propose des œuvres de femmes artistes latino-américaines entre 5 000 et 60 000 dollars (4 640 à 55 690 euros).
« Le marché s’est resserré », analysait un conseiller new-yorkais au début de la journée de vernissage. Et de conclure : « Les marchands qui jouent la carte de la sécurité ennuient tout le monde. Ceux qui sont prêts à dire "C’est mon œil, c’est ma vision" s’en sortent très bien ».
Art Basel Miami Beach, du 6 au 10 décembre 2023, Miami Beach Convention Center, 1901 Convention Center Drive, Miami Beach, Floride, États-Unis.