mor cLa Floride, son climat clément et… ses nombreux avantages. On a beaucoup commenté, pendant la pandémie de Covid-19, l’afflux dans la région de personnes très fortunées, en provenance de New York et d’autres villes américaines, soucieuses de vivre et travailler dans un cadre plus agréable. Mais « les Américains installés en Floride ces dernières années l’ont fait aux trois quarts pour des raisons fiscales. C’est surtout ça qui change la donne ! », juge Nathalie Obadia.
Avec la hausse des impôts dans de multiples États démocrates, nombreux sont ceux qui migrent dans ce havre républicain libéral… Parmi les plus emblématiques, le fondateur d’Amazon Jeff Bezos, lequel vient d’annoncer qu’il quittait Seattle avec sa famille pour rejoindre la Floride. Il y retrouvera entre autres Keith Griffin, à la tête du fonds spéculatif Citadel, important acheteur d’œuvres d’art à plus de 100 millions de dollars… Sans compter « des “hordes” de personnes moins connues. C’est visible depuis deux ans et la reprise de la Foire », souligne la galeriste.
Du pain bénit pour Art Basel Miami Beach, alors que la fréquentation des Sud-Américains s’est réduite. « Les collectionneurs de ces pays viennent toujours acheter, mais un peu moins qu’avant. Aujourd’hui, la grande force de cette Foire est le marché américain. C’est ici que l’on rencontre un public qui se rend peu sur les foires en Europe, et parfois même pas à New York… », note Nathalie Obadia. Selon Philippe Charpentier, exposant depuis 2012 avec la galerie mor charpentier (Paris), et membre du comité de sélection, « Art Basel Miami Beach repose sur deux jambes : le marché américain avec les grands noms et ses jeunes premiers; et une jambe latino-
américaine ». Cette année, 12 % des exposants viennent d’Amérique latine, avec une quinzaine de galeries du Brésil. « La participation latino-américaine reste importante, mais est en effet un peu en retrait à cause de la situation politico-économique dans ces régions », confirme Philippe Charpentier.
« La variation du taux de change a affecté une grosse partie des acheteurs. De 1 800 pesos colombiens pour 1 dollar en 2011, il est passé à 4 400 pesos colombiens pour 1 dollar ! » Quant aux Brésiliens, « ils pouvaient à nos débuts faire le chiffre d’affaires d’une édition, ce n’est plus le cas ». Plus encore que la fréquentation moindre des Européens, « ce qui est plus gênant, c’est de voir venir moins de Latinos. Mais la Foire garde une vraie diversité d’acteurs, d’artistes. Elle reste un hub pour les rencontres curatoriales entre l’Amérique du Nord et du Sud. C’est là que souvent le comité d’acquisition de la Tate et ses administrateurs se rendent. Nous avons eu beaucoup de candidatures cette année », ajoute le galeriste.
UNE FOIRE DE PLUS EN PLUS AMÉRICAINE
Peu développé il y a une dizaine d’années, le marché local s’est étoffé « de manière organique » avec un groupe important de collectionneurs de haut calibre qui ont souvent ouvert des lieux au public, de Jorge Pérez à De la Cruz en passant par les Rubell ou Ella Fontanals-Cisneros. Et de citer, en outre, « une génération locale plus jeune qu’en Europe, de 30 à 45 ans, ambitieuse en matière d’achats et d’envie de jouer un rôle plus déterminant ». Laquelle se rend aussi sur les différentes Foires satellites : Design Miami/, Art Miami, Untitled Art et NADA Miami (New Art Dealers Alliance)*1.
Est-ce à cause de ces changements ? Si les galeries françaises présentes cette année sont nombreuses – outre mor charpentier et Nathalie Obadia ont fait le déplacement Chantal Crousel, Crèvecoeur, frank elbaz, Christophe Gaillard, Lelong & Co., Mennour, Perrotin, Almine Rech, Templon, entre autres –, certains exposants, dont Jocelyn Wolff ou Applicat-Prazan, ont arrêté, faute d’œuvres à l’esthétique adéquate. « Le goût a changé, confie un habitué. Contrairement à Art Basel à Bâle, à Hong Kong ou même à Paris, Art Basel Miami Beach s’est détachée d’un certain “chic bâlois”. Auparavant, Art Basel apportait son esthétique globale, et Miami s’y adaptait. Ce n’est plus vraiment le cas. La Foire est de plus en plus américaine». Une tendance qui s’accentue peut-être avec l’arrivée récente de l’Américain James Murdoch au capital de la Foire suisse. Résultat : l’art activiste ou conceptuel des pays d’Amérique du Sud y est un peu moins visible, au profit, notamment, d’un art africain-américain très narratif ou d’un art américain qui n’était pas vraiment dans l’avant-garde…
Pour Almine Rech, qui y participe « depuis le début », Art Basel Miami Beach reste « avec Bâle, la seule Foire de ce niveau dans le monde où nous pouvons à la fois exposer sur le stand des artistes cutting-edge et des artistes blue-chip du second marché avec des œuvres majeures. N’oublions pas qu’une partie des visiteurs viennent pour y voir des pièces historiques ». La galeriste présente ainsi Ed Ruscha et Scott Kahn. « Quant à la valeur des œuvres que l’on peut apporter, c’est pour nous la Foire la plus importante aux États-Unis », ajoute-t-elle.
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*1 Design Miami/, 6-10 décembre 2023; Art Miami, 6-10 décembre 2023; Untitled Art, 6-10 décembre 2023; NADA Miami, 5-9 décembre 2023.
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Art Basel Miami Beach, 8-10 décembre 2023, Miami Beach Convention Center, 1901 Convention Center Drive, Miami Beach, FL 33139, États-Unis.