Vendredi 10 novembre 2023, le musée des Beaux-Arts d’Orléans vernissait l’exposition « À la poursuite de la beauté, journal intime de la collection Prat » juste après l’inauguration au parc Pasteur de la Table du banquet. Hommage à Madeleine et Jean Zay, une œuvre monumentale de 25 mètres de long d’Anne et Patrick Poirier en hommage au ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-arts, assassiné en 1944.
Sur le podium, devant un parterre de passionnés de dessins et de fidèles au musée des Beaux-arts d’Orléans, Pierre Rosenberg a rendu hommage à son ami Louis-Antoine Prat et a profité de la présence du ministre de l’Éducation nationale pour rappeler le combat qu’il mène depuis longtemps pour l’enseignement de l’histoire de l’art à l’école. Selon lui, ce dernier permet, chez nos voisins italiens, de pouvoir engager une conversion sur Caravage par exemple avec son voisin dans tous les trains. L’homme à l’écharpe rouge n’a pas l’habitude de s’épancher sur l’art d’être grand-père, mais il a cité une rédaction récente de l’un de ses petits-fils italiens, dont le thème portait sur « L’art au temps de César ».
Après avoir achevé la visite d’« À la poursuite de la beauté » en compagnie de Louis-Antoine Prat, Gabriel Attal a commencé son discours par un constat : « La France a toujours été un pays de collectionneurs, et pourtant on ne les valorise pas toujours. Comme s’il y avait un soupçon ; comme si collectionner s’opposait à partager ; comme si l’intérêt particulier ne pouvait pas rencontrer ici, l’intérêt général. […] Si je tenais, en tant que ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, à faire ce trop bref éloge des collectionneurs, à travers l’un des plus éminents d’entre eux, c’est que je suis personnellement attaché à l’idée que les collectionneurs – petits ou grands – se tiennent aux côtés des professeurs, mais aussi des conservateurs de musée, bien sûr, parmi les passeurs de culture dont notre société a crucialement besoin. »
Le ministre n’est pas sans connaître les polémiques qui ont agité la communauté des historiens de l’art, ceux-ci réclamant régulièrement la création d’un CAPES spécialisé. À ce jour, les enseignants qui dispensent des cours d’histoire de l’art au lycée dans le cadre de l’option facultative de la Seconde à la Terminale, ou de l’enseignement de spécialité en Première et Terminale (4 heures et 6 heures hebdomadaires) sont seulement « certifiés » par un examen qui ne nécessite pas de formation universitaire préalable dans ce domaine. Côté collège, la situation est plus délicate encore. Les premiers programmes d’histoire de l’art datent de 2008. De 2011 à 2016, l’épreuve orale d’histoire de l’art était obligatoire pour le Brevet des collèges. Elle a été réintroduite à partir de la session de 2018 mais de façon facultative : « l’épreuve orale de soutenance d’un projet permet au candidat de présenter l’un des objets d’étude qu’il a abordés dans le cadre de l’enseignement d’histoire de l’art, ou l’un des projets qu’il a menés au cours des enseignements pratiques interdisciplinaires du cycle 4 ou dans le cadre d’un des parcours éducatifs (parcours Avenir, parcours citoyen, parcours éducatif de santé, parcours d’éducation artistique et culturelle) qu’il a suivis. » Là encore se pose la question de la formation des enseignants, mais le ministre semble être attaché à « la place des arts et des humanités au sein même de l’école de la République », « un enjeu de société », selon lui. « Dans un monde de plus en plus numérisé, de plus en plus fragmenté aussi, les arts et les humanités se présentent à nous comme un terreau d’une actualité puissante, pour contribuer à la formation et l’émancipation d’élèves qui soient à la fois ancrés et ouverts, curieux et déjà sûrs de leurs goûts – peut-être de futurs collectionneurs ! –, en tout cas de futurs citoyens, dont le sens du collectif vient aussi de cette culture commune, que l’école doit donner, a-t-il déclaré à Orléans. Pratiquer les arts, s’approprier une culture commune – réhabiliter ici la notion de culture générale, non pas au sens d’un bachotage au rabais, mais d’une culture humaniste qui élève et qui rassemble –, et faire l’expérience de l’art, y compris par la rencontre avec les artistes : ce sont là trois expériences uniques qu’offre l’école de la République, et qui vont être au cœur de mon action comme ministre, en étroit lien avec la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak. »
Gabriel Attal, qui a souhaité saluer « le rôle éducatif des musées », n’a pas répondu à l’appel du musée des Beaux-arts d’Orléans par hasard. Chaque année, 600 classes y sont reçues, dont la moitié dans le cadre de visites et d’ateliers organisés par le service pédagogique, l’un des premiers à avoir été créé et l’un des plus à la pointe.
Au cours des semaines qui viennent, nombre d’historiens de l’art guetteront des annonces concrètes de la part du ministre. L’un d’eux, qui dispense les cours de spécialité au lycée, nous a précisé que le vrai enjeu serait le rétablissement de l’oral obligatoire en fin de collège, mais aussi que les « musées deviennent pleinement des centres de formation pour les professeurs grâce à des cycles de conférences et la mise en ligne de ressources pour accompagner les enseignements au collège, à l’exemple de l’INHA qui propose désormais des vade-mecum pour l’enseignement de l’histoire de l’art et l’éducation au patrimoine en cycle 3 (CM1, CM2 et 6ème) et 4 (5ème-4ème-3ème)… »
Le ministre a conclu son discours avec une note pleine d’espoirs : « nous devons travailler à une nouvelle alliance entre l’Éducation et la Culture, entre les écoles, les musées, et tous les autres lieux de culture. C’est en tout cas le sens de mon engagement, comme ministre, aux côtés de la ministre de la Culture, et avec vous tous, si vous souhaitez nous rejoindre dans ce noble combat. »