Tout le monde à Bruxelles connaît le site du Botanique, ses anciennes serres et ses jardins, étonnamment et heureusement préservés de la spéculation immobilière des années 1960, alors que le lieu est enclavé entre le centre historique et commercial de la ville et un périmètre de bureaux qui ne cesse de se développer. Il y a longtemps que le site a perdu sa vocation première de Jardin botanique de l’État, ses salles de la Rotonde et de l’Orangerie accueillant désormais des concerts aussi courus que nombreux (400 par an!) et le célèbre Festival Les Nuits Botanique. Si le bâtiment est largement identifié à la musique, les arts plastiques y conservent une place tout autant essentielle. Outre ce que l’on appelle le Museum (même si le l’institution ne possède pas de collection) et la Galerie (un espace réservé aux artistes émergents), l’établissement vient de récupérer les Serres dont la rénovation est arrivée à son terme. Ce lieu de passage et de déambulation est idéal pour accueillir de la sculpture.
Du point de vue politique, Le Botanique est le centre culturel de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Sa mission est de soutenir les artistes relevant de cette communauté et de les présenter sur le territoire bruxellois, capitale bilingue de la Belgique et de l’Union européenne. L’enjeu est donc de taille pour ces artistes francophones souvent sous-représentés en Belgique et ailleurs, tant sur un plan institutionnel que sur le marché de l’art. Arrivé à la tête du département des expositions en juin 2018, Gregory Thirion s’emploie activement à répondre à cette mission avec la mise en place d’une politique très dynamique et sans concession quant à la qualité des travaux proposés, quelle que soit la renommée de l’artiste.
UNE INVITATION À LA DÉCOUVERTE ET À LA DÉAMBULATION
Un nouveau cycle d’expositions débute cette saison avec une invitation faite à la sculptrice Alexandra Mein. Formée au stylisme avant de bifurquer vers les arts plastiques, elle combine les deux pratiques en concevant des décors et des costumes pour des chorégraphes. Elle en a gardé une relation au corps à nulle autre pareille qui transparaît dans son travail sculptural. Lequel explore les points de frottement entre les objets anthropomorphe et organique – végétal ou animal – dans une dynamique artistique qui, par certains aspects, fait songer aux sculptures de l’Italien Menardo Rosso. On retrouve cette même impression d’ébauche, d’une sculpture en devenir, ni masculine ni féminine. Cela apparaît avec évidence dans ses bustes en bronze aux visages absents, parfois écrasés, parfois effacés, en partie polis. Ils font presque office de miroir, englobant la silhouette du spectateur qui s’en approche de trop près. L’effet en est amplifié par l’usage de miroirs classiques ou sans tain. Ceux-ci dédoublent les sculptures, les distordent, renforçant le sentiment d’hybridité qui en émane et pointant par corollaire la complexité du comportement humain.
Ce principe de création in situ est également présent dans l’exposition du peintre et dessinateur Boris Thiébaut. Ce dernier a conçu son accrochage en s’appuyant sur deux gigantesques peintures murales qui occupent deux pans de la salle du Museum dans laquelle il expose. Réalisé à partir d’étirements ou de contractions de détails de ses grands dessins d’inspiration automatique – eux-mêmes accrochés à ces surfaces murales –, ce wall painting s’impose par une rare maîtrise du monumental, augurant des possibles développements de son travail. À l’inverse, ses récentes peintures noires monochromes sur bois sont de petits formats et laissent poindre une sourde énergie matiériste.
COMMANDES SPÉCIFIQUES ET PARTENARIATS CIBLÉS
En regard de ce qui précède, on sera peu étonné d’apprendre qu’une une sculpture en bronze de grande dimension a été commandée à Alexandra Mein pour l’espace des Serres. Il s’agit là d’établir ou de renouer un dialogue avec les sculptures historiques toujours en place conçues à la fin du XIXe siècle pour les jardins. Elles évoquent le temps, les saisons, et ont pour motifs les végétaux et les animaux. La sculptrice y apportera la portée humaine qui sous-tend sa démarche, dans un esprit fluide et organique libre d’interprétation. Une autre installation pérenne est en cours de réalisation pour l’atrium du bâtiment. Elle a été confiée à l’artiste Adrien Lucca, passionnant explorateur des mécanismes visuels de la lumière et de la couleur.
de les présenter sur le territoire bruxellois.
Le Botanique s’est également ouvert aux collaborations, notamment avec la Brussels Drawing Week qui se tient du 2 au 8 octobre 2023 et dont le point d’orgue est le Salon Art on Paper (lire ci-contre). Comme en 2022, l’institution en est partenaire, offrant son stand aux étudiants de l’atelier de dessin de l’École nationale des arts visuels de La Cambre (située également dans la capitale). Dans le même esprit, le centre soutient la jeune création en accueillant l’exposition d’un des lauréats du prix Art Contest ; est aussi à l’étude la présentation annuelle des dix nominés de cet important prix (réservé aux artistes belges de moins de 35 ans), afin d’en asseoir la visibilité. Des programmes de résidences sont également prévus dans les prochains mois ainsi que l’organisation de journées professionnelles.
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« Alexandra Mein. Diffraction » et « Boris Thiébaut. Every Minute Is Lettered », 2 septembre - 29 octobre 2023, Le Botanique, 236, rue Royale, 1210 Bruxelles, Belgique.