S’intéressant à une variété de médiums, Florentine et Alexandre Lamarche-Ovize (en duo depuis 2006) mêlent gouache, dessin, sérigraphie, céramique, impression sur textile, tapisserie, par-delà les hiérarchies entre les arts dits « majeurs », les arts décoratifs et l’artisanat, entre la composition et l’ornement, ou entre l’artifice et la nature. Les motifs végétaux et animaux issus de leurs carnets de croquis sont agrandis, isolés, transposés, superposés, répétés et tissés entre eux, jusqu’à animer d’un élan vital la surface du papier, du mur ou de la céramique.
Cette monographie, publiée par The Drawer, fait suite à une première parue en 2017 chez le même éditeur (Inventaire). Son ambition ? Rendre compte des développements dans l’œuvre du duo d'artistes ainsi que de son activité intense – expositions, projets in situ, etc. – au cours des six dernières années. Les chapitres, imaginés par les éditrices Barbara Soyer et Sophie Toulouse, alternent textes et longues séquences illustrées. Ainsi, un entretien mené par la critique d’art Sarah Ihler-Meyer présente les principaux enjeux plastiques et théoriques du travail des Lamarche-Ovize, nourri des textes de William Morris, d’Élisée Reclus et d’Anna Lowenhaupt Tsing et traversé par certaines problématiques contemporaines (critique du capitalisme et de l’impérialisme colonial, sixième extinction et résilience notamment) : « À rebours de [la] logique anthropocentriste, expliquent-ils, nos œuvres tendent, sur le plan formel aussi bien que sur le plan symbolique, à une sorte d’horizontalité, qui rejoint l’idée d’un “vivre ensemble” sans dehors. »
POINTS D’ANCRAGE
Le deuxième chapitre, « Images sources », comprend une suite de doubles pages issues des carnets, véritables matrices de l’œuvre, dans lesquels se déploient chiens, poulpes, feuilles de houx ou vues de l’atelier. La section « Biotopes », quant à elle, reproduit certaines séries réalisées depuis 2017 (Travailleurs de la mer, Le Gouffre, ou encore Hétérotopies) qui révèlent la complexification de leur univers, toujours plus dense. Puis, dans une langue claire et rythmée, l’historien d’art Thomas Golsenne replace le travail et l’éthique du duo dans une perspective qui s’étend de la Commune à la « craftification » actuelle de l’art, entre « dépassement des anciens canons artistiques » et célébration des pratiques collaboratives. Les derniers chapitres, « Expos-mondes » et « Scènes d’intérieurs », montrent le soin apporté par les artistes à la conception de leurs expositions – dont celle qui se tient jusqu’au 19 novembre 2023 au musée d’Art moderne et contemporain des Sables-d’Olonne – et l’importance d’un ancrage de leur œuvre dans la vie quotidienne.
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Lamarche-Ovize, Les Dinosaures végétariens, Paris, The Drawer, Sables d’Olonne, musée d’Art moderne et contemporain, 2023, 184 pages, 29 euros.